Bulletin spécial : DOC Québec à Hot Docs!

Bulletin spécial : DOC Québec à Hot Docs!

À partir d’aujourd’hui, les sélections Hot Docs sont disponibles en ligne et les membres de DOC Québec sont bien représentés! Découvrez quelques uns des films de nos membres ci-dessous!

Y’a pas d’heure pour les femmes (Ain’t No Time for Women) – Entretien avec Isabelle Grignon-Francke, productrice

Sur la genèse du projet…

Tunis, novembre 2019. Des femmes sont rassemblées chez Saïda la coiffeuse, à l’aube des élections présidentielles. Le salon est transformé en place publique, miroir de l’agitation interne du pays. Dans ce huis clos féminin, on découvre l’adolescence démocratique du pays.

Le film est né de la relation qu’entretient la réalisatrice, Sarra El Abed, avec son pays natal, la Tunisie. Elle a carrément grandi dans le salon de coiffure dans lequel le film se déroule. Et en Tunisie, les femmes vont se faire coiffer comme elles vont au café, c’est un lieu d’échange très fécond. Elle voulait leur rendre hommage.

La Tunisie est un pays du monde arabe très avant-gardiste, il l’a toujours été, mais de profonds clivages continuent d’exister dans la société, entre tradition religieuse et émancipation. Depuis la chute de la dictature, le pays fait ses premiers pas dans la démocratie. En 2019, c’était les deuxièmes élections démocratiques du pays, le moment tout indiqué pour saisir le pouls politique du pays. On a braqué notre caméra sur un lieu intime pour faire état de ce bouillonnement politique et des enjeux spécifiques touchant le droit des femmes.

Quand Sarra, la réalisatrice, m’a approchée avec le projet, je n’ai pas pu dire «non». J’avais alors peu d’expérience en cinéma, mais le sujet qu’elle me proposait m’interpellait énormément, le traitement fin, intime des enjeux féministes m’a tout de suite emballé. On a ensuite travaillé fort ensemble pour esquisser ce projet, à coup de de post-it partout sur les murs, de longues discussions. On s’est lié d’amitié à ce moment-là aussi, c’est une magnifique surprise.

Sur ce qu’elle retient de l’expérience…

D’avoir réussi à faire une œuvre aussi forte, avec une équipe de la relève. Tout le monde s’est donné entièrement au projet, en s’accordant mutuellement une confiance indéfectible. Je crois aussi que le film est une porte ouverte très belle et lumineuse sur des enjeux politiques complexes. Ça me plaît beaucoup ce traitement intime d’enjeux sociaux!

Sur les défis d’un tournage sur le terrain…

À notre arrivée en Tunsie, sitôt débarquées de l’avion, on nous a confisqué notre caméra et tout notre équipement.

Les douaniers disaient que nous n’avions pas notre «autorisation présidentielle» pour les tournages. Pourtant j’avais bien confirmé auprès des ambassades et tout que nous n’avions besoin de rien! Ça a été un grand moment de stress. On dû laisser notre matériel à l’aéroport dans une petite pièce peu sécurisée…On a reconduit Catherine et Camille, respectivement directrice photo et preneuse de son, à la maison que nous avions louée.

Puis, Sarra et moi avons couru à travers la ville, à la recherche de solutions. Sarra était constamment au téléphone. Une dame bien placée nous a finalement reçues chez elle. Après lui avoir expliqué le projet, elle nous a tendu un papier, inscrit dessus le nom d’un douanier. On est retourné à l’aéroport. Je n’ai eu qu’à demander à parler à cet homme. Il m’a signé un petit mot. On a finalement récupéré notre équipement !

Sur l’audace des femmes représentées dans le film…

Dans le court-métrage, on sent un clivage entre les générations. Ce sont les femmes plus vieilles qui sont les plus libertines, qui bataillent le plus pour leurs droits. Je ne dis pas que c’est à l’image du pays, mais il y a très certainement beaucoup à apprendre de ce que les générations plus vieilles ont fait pour libérer les plus jeunes.

Je pense que l’héritage de nos parents et grands-parents ne doit jamais être oublié. On est jamais très loin de possible recul en matière de droits et liberté. J’aimerais qu’on retienne du film l’audace de ses femmes à demander toujours mieux et leur humour ! Ok, surtout leur humour!

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