Entrevue avec Rémi Fréchette, directeur des Fantastiques week-ends du cinéma québécois

Pour souligner le 25e anniversaire du Festival Fantasia, CTVM.info vous présente une série d’entretiens avec les piliers de ce festival de films de genre, le plus important au monde !

Ce vendredi, on discute avec Rémi Fréchette, directeur des Fantastiques week-ends du cinéma québécois, réalisateur, scénariste et producteur

CTVM.info —  Partagez-nous un de vos premiers coups de cœur au cinéma, un moment ou vous avez réalisé que les films de genre occuperaient une partie importante de votre vie ?

Rémi Fréchette — Avant le cinéma, il y a eu les histoires de feu de camp de mon père, qui ont définitivement dirigé mon intérêt vers le fantastique. Pour le cinéma, j’ai eu la chance de grandir dans les années 90, époque où les clubs vidéo étaient rois. J’ai donc développé mon goût pour le cinéma à coup de 6 cassettes VHS par semaine. Mes intérêts étaient depuis un très jeune âge dirigés vers des comédies fantastiques ou horrifiques, comme Gremlins (1984), Ghostbusters (1984), A Nightmare Before Christmas (1993) ou Beetlejuice (1988).

 

Photo d’équipe avec Rémi Fréchette en secondaire 4 sur le tournage de Freddy VS Jason II : Rematch From Hell.

Dans ce même ordre d’idée, les télé-séries Chair de poule (Goosebumps 1995–1998) et Fais-moi peur (Are You Afraid Of The Dark? 1990–2000), très populaires dans ma jeunesse, ont aussi énormément influencé mes goûts. Et comme celles-ci racontaient souvent des histoires de monstres qui s’inspirent de succès de l’horreur, elles ont servi de boussole pour me retrouver dans le cinéma d’horreur.

Rémi en 2007 qui tourne un de ses courts métrages (L’évasion des préburgers) pour La Course Estrie dans la région de Coaticook.

Vous vous êtes joints officiellement au festival il y a quelques années ? Parlez-nous de vos premières visites au festival et de l’élément déclencheur qui a fait que vous avez proposé vos services de programmateur au festival ?

Rémi Fréchette — Ma première visite à Fantasia date de l’époque où j’étudiais au Cégep de Sherbrooke. Un de mes amis m’a invité à Montréal pour tourner un court métrage, et ma visite correspondait avec l’édition 2008 du festival. J’y ai vu la première du film indépendant québécois Who Is KK Downey de Darren Curtis, Pat Kiely, qui m’avait beaucoup marqué par sa démonstration de créativité malgré son petit budget. C’était la première fois que je mettais les pieds dans un festival international, et j’avais déjà la piqûre ! À mon arrivée à Montréal en Film Production à Concordia, j’ai joint l’équipe de projection, où j’ai pu aider à la préparation des bobines de 35 mm de Fantasia durant plusieurs étés, jusqu’au moment où un de mes films a été sélectionné. Après une douzaine de sélections, j’ai finalement eu la chance de joindre l’équipe du festival aux côtés de Isabelle Gauvreau dans la section québécoise du Festival.

 

 

Qu’est-ce que le cinéma de genre pour vous ? Comment expliquer ce créneau à nos lecteurs curieux ?

Rémi Fréchette — Le cinéma de genre est simplement le genre de film qui se définit par une série de codes facilement déchiffrables aux yeux du public. Pour moi, un film de genre réussi, c’est quand le ou la cinéaste est en mesure de briser les codes pour surprendre son audience, de trouver une twist originale sur une histoire qui aurait pu être convenue. C’est aussi souvent associé à un cinéma au service de ses spectateurs.

 

Vous devez voir des centaines de courts métrages québécois et rencontrez de nombreux réalisateurs chaque année.  Qu’est-ce qui semble avoir changé ou évolué depuis vos débuts au festival dans l’offre que vous recevez de courts métrages québécois ?

Rémi Fréchette — Plus le temps passe, plus il y a une démocratisation des moyens techniques. En d’autres mots, c’est facile de tourner un BEAU film aujourd’hui ; par exemple, avec les téléphones qui offrent des images spectaculaires. Le challenge aujourd’hui est de réaliser un BON film avec les moyens à portée de main. À cet effet, il y a plusieurs années, la section québécoise au festival se divisait en 2 sections : les films pro, et les DIY (Do It Yourself). Maintenant, la marge entre les deux est souvent difficile à cerner. S’il y a un vrai défi maintenant, c’est d’avoir une idée originale qui sort du lot, un scénario qui amènera une oeuvre dans une direction que nous n’avons jamais vu dans les 350 soumissions que nous recevons chaque année. Aujourd’hui, un film qui a coûté 100 $, tourné avec une équipe de 3 personnes, peut facilement se démarquer d’un court métrage à gros budget si l’idée est originale et bien exécutée.

En compagnie de Isabelle Gauvreau en 2017

Qu’est-ce qui caractérise selon vous la génération émergente actuelle de réalisateurs et de producteurs par rapport à la génération précédente ?

Rémi Fréchette — Un peu comme la question précédente, je crois que les réalisateurs de la génération présente ont pu bénéficier d’une accessibilité à des moyens techniques professionnels. Et j’inclus là-dedans l’accès à Internet qui simplifie énormément l’apprentissage du métier et la diffusion et distribution des œuvres (Facebook, YouTube). Par contre, ça crée un plus gros bassin, ce qui oblige les cinéastes à se distinguer davantage pour sortir du lot. Je crois quand même que la génération présente n’est pas en compétition. Étant cinéaste moi-même, je vois énormément d’entraide au Québec, et beaucoup de support et d’encouragement entre les artistes.

Fantasia a reçu au cours des 25 dernières un grand nombre de réalisateurs, d’acteurs, d’auteurs et d’artisans du 7e art ? Pourriez-vous revenir sur quelques rencontres dont vous êtes particulièrement fiers ? Pas forcément québécois, je veux le geek en toi.

Rémi Fréchette — En tant que spectateur, Fantasia m’a permis de voir en personne plusieurs grands cinéastes que j’admire, et plusieurs d’entre eux sont décédés aujourd’hui. Par exemple Tobe Hooper qui est venu présenter la version restaurée de Texas Chainsaw Massacre (1974), H.G. Lewis qui est venu parler de sa carrière, ou Stuart Gordon et Jeffrey Combs à une projection de leur classique, RE-ANIMATOR (1985). À cet évènement, c’était mon 3e Fantasia, je m’étais assis sans trop réfléchir dans la salle, et les deux hommes que j’admirais sont venus s’asseoir directement devant moi. Je pense avoir retenu mon souffle durant toute la projection !

Sinon, en ce qui concerne le cinéma québécois, j’ai eu l’immense bonheur de rédiger un hommage à Roger Cantin que j’ai pu lui adresser à la projection de L’Assassin jouait du trombone (1991) alors que le festival lui remettait le prix Denis-Héroux. 

Rémi Fréchette en 2017 en compagnie de Isabelle Gauvreau, ancienne directrice de la programmation des Fantastiques Week-ends du cinéma québécois, et Pierre Corbeil, président et fondateur du festival Fantasia

Pourriez-vous revenir sur quelques films qui vous ont réellement marqué dans la programmation du festival des dernières années ?

Rémi Fréchette — La différence de voir un film à Fantasia versus le voir dans une salle régulière, c’est l’ambiance unique du festival.  J’ai eu la chance de voir de gros films commerciaux comme Guardian of the Galaxy (2014) ou Scott Pilgrim vs. The World (2010), qui ont été grandement bonifiés par les cris de bonheur de la foule. Ceci dit, je crois qu’à un festival comme Fantasia, certaines expériences marquantes sont les surprises que nous réservent certains films indépendants à petits budgets.

On choisit un film à 15 h dans la grille horaire, et un autre à 21 h, mais entre-temps on prend une séance au hasard pour éviter de patienter à l’extérieur et… Bam ! Une révélation !! Il y a quelques années, j’ai vu un peu par hasard Lake Michigan Monster (2018), une superbe expérience de salle pour un film à très petit budget. Ou encore I Am A Knife With Legs (2014), un film quasiment amateur, mais qui avait énormément de cœur, dans une séance électrique avec une foule en symbiose avec le film. Je me dois aussi de mentionner les excellentes restaurations de films québécois qui donnent un regard sur un patrimoine oublié. J’ai eu la chance de voir à Fantasia des chefs-d’œuvre d’ici comme Wendigo (1994) de Robert Morin, ou Pouvoir intime (1986) de Yves Simonneau.

Comme vous faites partie d’une grande communauté cinématographique, est-il difficile d’avoir à dire non à certains films réalisés par des amis, de bonnes connaissances ou d’anciens collègues de plateau ?

Rémi Fréchette — C’est extrêmement difficile de dresser une frontière entre ma carrière de cinéaste et mon travail de programmateur, mais ça fait partie de la job ! Avec les années, je crois avoir réussi à expliquer aux gens que les refus ne sont pas personnels et ne sont souvent pas dus à la qualité des films. Il y a énormément de facteurs qui dictent la programmation d’un court métrage: le statut de première, la durée du film, le genre du film… j’écris parfois des messages personnels à certains réalisateurs pour expliquer la décision négative, et la plupart sont très compréhensifs. Surtout quand ils réalisent que moi aussi, j’essuie énormément de refus avec chacun de mes projets dans les festivals. C’est quand même arrivé au fil des années de recevoir des messages de réalisateurs à l’ego brisé, mais avec le temps j’ai compris que je ne pouvais pas y faire grand-chose…

Sur scène avec Marc Lamothe lors de la première du film
Sur scène avec Isabelle Gauvreau, en 2016 MONTREAL DEAD-END (2018), un projet piloté par Rémi Fréchette

Pourriez-vous nommer quelques films ou évènements que vous avez hâte de voir ou de découvrir ou de partager dans le cadre de la prochaine édition ?

Rémi Fréchette — Mon bonheur dans cette édition est très simple : j’ai simplement hâte de retrouver un public en personne ! Donc les 3 programmations de courts au Cinéma du Musée, la projection de Dreams On Fire dans cette même salle, et les grandes premières à l’Impérial de Maria et de Brain Freeze

Sinon un des évènements toujours excitants, c’est la projection de DJ XL5, où le public de Fantasia crée toujours une énergie électrique. Cette année, son programme se nomme DJ XL5’S MIAOW MIX ZAPPIN’ PARTY.

En compagnie de Daniel Walther, technicien de scène au Festival en 2018

Que représente FANTASIA pour vous aujourd’hui, après 25 ans d’histoire ?

Rémi Fréchette — Fantasia a une importance capitale dans le patrimoine cinématographique québécois, parce que le festival a diffusé des films « différents » qui n’auraient jamais eu leur place dans d’autres festivals. J’ai trouvé ma place comme réalisateur, un public qui me comprend et respecte mon art, et j’espère que les cinéastes qui participent à ma section ressentent la même chose encore aujourd’hui. Sur un plan plus personnel, Fantasia ce sont des rencontres qui ont mené vers des amitiés, avec des gens du public, des réalisateurs, ou des collègues de l’équipe. C’est une communauté de cinéphiles qui va bien au-delà des films eux-mêmes.

Quels seront les grands défis du festival dans les cinq ou dix prochaines années ?

Rémi Fréchette — Le grand défi de Fantasia est celui de garder son identité, de ne jamais se dénaturer, de toujours être à l’affût des grands changements dans l’industrie cinématographique. Juste avec la pandémie que nous traversons, l’édition de 2020 a été gérée avec brio par l’équipe du festival, offrant à son public les films qu’ils attendaient malgré tout. 2021 sera encore une année hybride entre la salle et le web, mais en 2022, à notre retour en personne, nous espérons retrouver l’énergie folle de notre public.

 

Rémi Fréchette en 2019 sur scène présentant le film Aquaslash ! (d’où le maillot de bain et la serviette)

 

 

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