Entrevue : L.A. Tea Time de Sophie Bédard Marcotte

Une entrevue avec la réalisatrice de « L.A. Tea Time », Sophie Bédard Marcotte par Charles-Henri Ramond 

« Il y avait un potentiel comique ou absurde assez intéressant dans la représentation de deux jeunes cinéastes québécoises, d’essayer d’aller voir de quoi on est capables à Hollywood… » 

Près de neuf mois après sa première mondiale au festival suisse Visions du Réel, en avril 2018, et un beau parcours dans d’importants festivals nationaux et internationaux (VIFF, FNC, IDFA aux Pays, FICFA en Acadie), le film de Sophie Bédard Marcotte L.A. Tea Time prend l’affiche. Produit par Caroline Galipeau (Maestro Films), L.A. Tea Time a été financé par le Fonds des Talents de Téléfilm Canada. Le film a pris l’affiche à Montréal le 17 janvier, à la Cinémathèque québécoise et au Cinéma Moderne. 

C’est lors du processus de montage de son précédent film, Claire l’hiver, que la conception de ce road movie documentaire a germé dans l’esprit de la cinéaste.

 «Oui, j’ai eu l’idée pendant le montage infini de Claire l’hiver. Et qui dit montage infini, dit remise en question. Ce qui m’a donné l’idée de me rattacher à ce que les réalisateurs que j’admire auraient fait à ma place. Dans ma réflexion, je me suis remémoré la notion de liberté qui se dégage des films de Miranda July, que j’aime beaucoup. L’idée de la rencontre avec elle et de tenter d’aller prendre le thé avec elle est donc arrivée assez spontanément. Mais au-delà de la recherche de liberté, qui peut sonner cliché, je trouvais qu’il y avait un potentiel comique ou absurde assez intéressant dans la représentation de deux jeunes cinéastes québécoises [elle et sa directrice photo Isabelle Stachtchenko, autre protagoniste du film, NDLR] essayer d’aller voir de quoi on est capables à Hollywood… qui sont deux mondes totalement opposés. » 

L.A. Tea Time débute là où se terminait Claire l’hiver. Il n’est donc pas étonnant que les liens entre les deux films soient forts. « En effet, c’est comme une transposition documentaire de mon précédent film, nous confirme la cinéaste. L.A. Tea Time débute à Montréal, dans la grisaille hivernale. Formellement et thématiquement on essaye de s’éloigner de cette réalité-là pour aller plus loin. Il y a une sorte de libération formelle, avec de plus en plus en plus de magie, des allusions au Magicien d’Oz, à un genre de monde féérique qui transcende le monde inquiétant dans lequel on vit. On parle de ce qui se passe politiquement dans le monde… donc l’idée, c’était de transcender cette inquiétude pour en faire quelque chose de plus poétique. À travers mon cinéma, j’aime tourner en dérision nos petites réalités, nos petits tourments. » 

Et en même temps, d’aborder les incertitudes de l’artiste, les affres de la création, tout en restant sur une note décalée, loin de la dramatisation ou des poncifs du genre. 

Lorsqu’on l’interroge sur Miranda July et Chantal Ackerman, sources d’inspiration qui servent de canevas au film, Sophie Bédard Marcotte se dit très rassurée par leur démarche. « Il y a une approche intuitive chez elles. Ce sont aussi des femmes qui se mettent en scène. Leur cinéma me parle beaucoup. Même si ce sont deux approches très différentes. Chantal Ackerman a une façon de traiter le temps et de concevoir le cinéma qui ne se fait pas dans une perspective d’efficacité. Sa présence [des extraits de ses entrevues sont utilisés dans le film, NDLR] s’est imposée naturellement comme un guide pour faire un documentaire dont on ne connaissait pas vraiment l’issue. Pour retrouver foi en le cinéma, il n’y avait pas grand monde à part elle qui pouvait m’aider là-dedans. Un des films qui m’a vraiment marquée, c’est News From Home, en voix off, elle récite un peu frénétiquement des lettres de sa mère. Certains pourront trouver cela ennuyant mais moi, ça m’a beaucoup touché. Ça m’a ouvert les yeux sur ce que l’on pouvait faire au cinéma. » 

Prendre la voiture avec une équipe de quatre personnes, parcourir les États- Unis à la recherche d’images prévues à l’avance, tel a été le processus de tournage du film. « Je suis entrée en tournage en sachant ce que je voulais faire, en gros. Je savais qu’il fallait que j’aie une direction précise. Je savais que je voulais rencontrer certaines personnes durant la route, donc j’avais fait des téléphones avant de partir. Mais il y avait aussi beaucoup d’inconnu. Je nous ai donné des balises claires, pour que l’on ne se perde pas en route, que ce ne soit pas du ‘rien’. Je voulais un ‘rien’ organisé. (rires) Je ne voulais pas faire un road movie convenu, dans lequel les scènes s’enchaînent au fil d’un parcours à la géographie balisée. C’était beaucoup plus libre. La route était plus un prétexte pour faire les scènes que j’avais en tête au préalable. » 

 

Une entrevue avec la réalisatrice de « L.A. Tea Time », Sophie Bédard Marcotte par Charles-Henri Ramond 

 

 

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