Rencontre avec Jules Falardeau et Jean-Philippe Nadeau Marcoux sur leur documentaire JOURNAL DE BOLIVIE

Rencontre avec Jules Falardeau et Jean-Philippe Nadeau Marcoux sur leur documentaire JOURNAL DE BOLIVIE

– Par Charles-Henri Ramond

Tourné à la manière d’un carnet de voyage, Journal de Bolivie suit le périple en autobus que les réalisateurs ont effectué aux côtés de trois générations des membres d’un groupe guévariste nommé Juventud Libre à l’occasion du cinquantième anniversaire de la mort de Che Guevara.

Composé de gens venus de multiples horizons, ce groupe traversait jadis la « Route du Che » à pied à travers les montagnes boliviennes pour comprendre le sacrifice qu’avaient dû faire le Che et ses compagnons. Aujourd’hui, près de 20 ans après leur première expérience, la troupe s’apprête à retourner sur ses propres traces et sur celles des derniers mois de vie du Che, tel que dépeint dans son journal. Ensemble, ils recherchent ce qu’ils appellent « l’essence du Che ». En parallèle, le film suit la réalisation étape par étape d’une murale rendant hommage au Commandante.

Rencontre – à distance respectable – avec les deux cinéastes qui ont tourné et produit ce film, seuls, avec l’aide financière d’une campagne de sociofinancement. 

C’est en 2014, alors qu’il donnait des cours de cinéma en Bolivie, que Jules Falardeau a fait la rencontre de plusieurs personnes, toutes encore bien imprégnées par ce personnage emblématique. « L’idée d’en faire un film à mûri, mais je n’avais pas vraiment le temps. C’est lorsque j’ai su que le gouvernement de Diego Morales allait faire des commémorations que je me suis vraiment décidé, nous précise Jules Falardeau. Pour sa part, Jean-Philippe Nadeau Marcoux a embarqué immédiatement dans le projet. « Un matin, je reçois un coup de fil de Jules qui me demande si je veux aller un faire un documentaire sur le Che en Bolivie pendant deux mois et demi. Je lui dit ‘Jules, je n’ai jamais beaucoup voyagé, je n’ai jamais fait de documentaire, je ne parle pas espagnol… j’y vais, c’est sûr! Trois excellentes raisons d’y aller!’ ».

Si le film est un road movie suivant le parcours – parfois périlleux – menant jusque dans le village où fut abattu le Che le 9 octobre 1967, il s’agit aussi du cheminement des cinéastes vers une conscience encore bien vivante. D’ailleurs, le film a surtout l’intention de nous faire ressentir ce qui reste aujourd’hui du leader argentin, à travers les témoignages d’activistes ou d’universitaires ou de gens ordinaires. « Je connaissais quelques personnes avant de tourner, comme les muralistes, ou mon ami Cliver, l’un des membres de Juventud Libre, et petit à petit, grâce à eux, le cercle de connaissances s’est élargi. »

Difficile à scénariser à l’avance, le film a été construit de manière organique, « dans l’esprit de l’ONF qui consiste à prendre ce que les intervenants ont à nous donner », indique Jean-Philippe Nadeau Marcoux. « Tous les jours on faisait des réunions après avoir réuni et questionné les gens… On pensait à Pierre Perrault et la pêche aux marsouins. Et on se dit pourquoi ne pas faire ça nous aussi? » 

Son collègue acquiesce et précise « Le scénario de base c’est de dire, est-on capables de repartir avec ces gens-là sur les traces du Che, quinze ans plus tard. N’importe quoi d’autre que cela aurait été décevant, oui, nous avions un plan B au cas où nous n’aurions pas pu le réaliser, mais… C’est dur à expliquer pour une demande de bourse. On sait qu’il y a quelque chose à faire, mais c’est dur de l’extérioriser au préalable.» 

« On pensait faire un film plus sur le Che, mais nous nous sommes rendu compte que finalement, c’est sa mémoire est très importante, son héritage dans la population bolivienne, et pas forcément chez des experts. On a fait comme nos amis muralistes, on a essayé de reconstruire les différents visages du Che. Qu’en reste-t-il aujourd’hui? C’est ça le sujet du film. » renchérit Jean-Philippe. 

L’omniprésence du Che dans la société bolivienne tient d’après Jules au fait que le Che est mort très jeune. « Il est resté figé à cet âge, alors que d’autres révolutionnaires vieillissent et retournent leur veste. Je crois que la Bolivie porte le fardeau de la honte d’être le pays qui l’a vu mourir. Une des jeunes intervenants dans le film le dit ‘malheureusement, c’est de notre faute’. Le parti communiste l’a trahi, les mineurs n’ont pas réussi à le rejoindre… » 

« C’est quasiment spirituel, insiste Jean-Philippe. C’est un peu ça aussi qu’on retient du film. Faire vivre l’essence du Che, pour nos intervenants, c’est refaire cette route, c’est comme revivre le sacrifice. Le livre, c’est une lente route vers l’agonie à cause de la poursuite d’un idéal. Malgré les épreuves de leur vie, les gens décident de s’impliquer politiquement pour qu’un changement soit possible. »

– Entrevue réalisée par Charles-Henri Ramond

 

Distribué par K-Films Amérique, JOURNAL DE BOLIVIE est à l’affiche pour une 3e semaine au Cinéma Beaubien (Montréal) et au Cinéma Le Clap (Québec).

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