René Lévesque,  critique de cinéma : LUMIÈRES VIVES, Chronique de cinéma (1947-1949) à paraître chez Boréal

René Lévesque,  critique de cinéma : LUMIÈRES VIVES, Chronique de cinéma (1947-1949) à paraître chez Boréal à l’automne 2022

Ce livre est une révélation. Nous connaissons l’éloquence de l’animateur de Point de mire, le charisme de l’homme politique. Par contre, les textes que René Lévesque a laissés, écrits militants ou souvenirs rédigés à un tournant difficile de sa vie, nous ont laissés sur notre faim. Nous devinions que ce communicateur de génie n’avait pas donné sa pleine mesure d’écrivain. 

Ces chroniques de cinéma, parues dans l’hebdomadaire Le Clairon de Saint-Hyacinthe entre 1947 et 1949 et reprises ici pour la première fois, viennent nous rendre enfin un Lévesque écrivain à la hauteur de son talent. C’est au professeur Jean-Pierre Sirois-Trahan * que nous devons la découverte de ces textes dont même les spécialistes ignoraient l’existence. Nous y retrouvons un René Lévesque de vingt-cinq ans (jusqu’à vingt-sept ans), féroce, irrévérencieux, avant Radio-Canada, avant la politique, qui écrit en toute liberté. Et qui se révèle un éblouissant styliste.

Il est important de souligner que René Lévesque n’aborde pas la critique cinématographique en dilettante. Il fait preuve d’une impeccable érudition, et nous donne l’impression d’avoir tout vu, des classiques aux productions les plus commerciales. Il fait alterner critiques pointues et analyses plus larges sur les conditions de production et de diffusion des films, particulièrement au Québec, petit territoire culturel inconfortablement engoncé entre la France et les États-Unis. Lévesque tient d’ailleurs des propos sur le doublage des films qui ne manqueront pas d’étonner.

S’il s’enflamme quand il veut nous faire partager ses enthousiasmes (pour Rome, ville ouverte ou Le diable boiteux, par exemple) ou quand il parle de ses réalisateurs de prédilection (Capra, Ford, Lubitsch, Hitchcock), s’il déploie une inattendue sensibilité en dressant de passionnants parallèles entre l’art d’un Jouvet, d’un Fresnay ou d’un Barrault, s’il s’attarde avec attention sur l’auteur d’un premier film alors inconnu du nom de Ingmar Bergman, il sait se montrer d’une réjouissante méchanceté quand il s’agit de dénoncer les travers d’un art qui prend trop souvent l’aspect d’une industrie. Il multiplie les sarcasmes pour l’infantilisme et l’insignifiance d’une part importante de la production hollywoodienne et pour un certain cinéma français qui l’imite servilement, tout en concédant que ‘ nous aimons mieux encore un navet de Paris qu’un navet de Hollywood ‘. Il pose enfin un regard sans complaisance sur la production locale, consacrant plusieurs textes à Un homme et son péché, de Paul Gury, en commentant tout autant les aspects artistiques que la réception du film.

 

Par la vaste culture du jeune critique, par l’intelligence qu’il déploie, par sa largeur de vues, ces textes, écrits à l’époque dite de la Grande noirceur, offrent un portrait unique de la vie culturelle dans le Québec de l’immédiate après-guerre (dont il était revenu, après y avoir été correspondant). Mais il n’est certes pas interdit de les lire pour le pur plaisir de savourer la prose d’un René Lévesque ‘ lâché lousse’.

 

*Jean-Pierre Sirois-Trahan est professeur de cinéma au Département de littérature, théâtre et cinéma de l’Université Laval depuis 2003. Il y dirigera, en septembre 2022, le premier programme de baccalauréat en cinéma.

Lumières vives, Chroniques de cinéma 1947-1949, paraîtra chez Boréal à la fin octobre, quelques jours avant le 35e anniversaire de sa mort (survenue le 1er novembre 1987).

 

 

 

 

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