Une entrevue de CTVM.info avec Marc Lamothe sur DJ XL5, artiste multimédia et collagiste, présenté au FCVQ ce soir à Québec !

Ce 11 septembre, le Festival de Cinéma de la Ville de Québec présente en première mondiale  à sa soirée de clôture

LES MASHUPS VIDÉOSONIQUES de DJ XL5

DJ XL5 est un artiste multimédia et collagiste actif depuis 2001. Principalement connu grâce à ses soirées festives annuelles au festival international de films Fantasia, ses événements ont parcouru le Canada, l’Italie, le Portugal, l’Espagne et certaines villes américaines.

En 2022, il a présenté son dernier programme de courts-métrages et il s’apprête à se promener avec son événement thématique final, LES MASHUPS VIDÉOSONIQUES DE DJ XL5 qu’il présente le 11 septembre en première mondiale en soirée de clôture au Festival de Cinéma de la Ville de Québec. Nous avons donc voulu nous entretenir avec Marc Lamothe, l’un des organisateurs de Fantasia et l’artisan qui se cache derrière ce curieux pseudonyme.

 

 

 

CTVM.info — Tout d’abord, d’où vient le nom de DJ XL5 ?

Marc Lamothe — C’est un hommage à la série Fireball XL5 (Fusée XL5) produite en 1962 par le duo Gerry et Sylvia Anderson. C’est mon tout premier souvenir télévisuel et le début de mon amour pour l’espace, les fusées, les robots et même le rock and roll, car j’adorais le thème du générique final. Comme le personnage de DJ XL5 est né au tournant du siècle alors que les divers DJ adoptaient tous des pseudonymes, j’ai pensé à ce nom qui renvoie à un souvenir intime.

DJ XL5 VHS

As-tu déjà été DJ au sens classique du terme ?

Marc Lamothe — J’ai commencé à être DJ dans les radios étudiantes des deux écoles secondaires que j’ai fréquentées. À 16 ans, j’avais vu une annonce sur un mur de l’Hôtel Nelson dans le Vieux-Montréal indiquant que leur salle de danse et de spectacles, l’Évêché, recherchait un DJ. J’ai passé une audition devant public un vendredi soir et j’ai eu l’emploi. J’étais payé sous la table basée sur les pourcentages d’alcool vendus ; donc, on ne m’a jamais demandé de pièce d’identité. J’ai fait ça deux ans, puis j’ai joint l’équipe d’une disco mobile.

J’ai été ainsi DJ jusqu’en 2010. Au début des années 2000, j’avais un agent et je me spécialisais dans les partys corporatifs et les événements spéciaux. J’ai fait danser des foules provenant d’horizons aussi diversifiés que les chauffeurs et membres du personnel de la STM, d’Ubisoft, de la Banque Nationale et même le Service de police de la Ville de Montréal. C’étaient évidemment des trucs contractuels, car j’avais à la même époque ma propre entreprise de consultation, marke[1]ting, et une étiquette de disques.

 

Évêché 1978

 

Tu as aussi été journaliste pour le journal Pop Rock à la fin des années 70. Quel souvenir gardes-tu de cette expérience ?

Marc Lamothe — Jamais je n’oublierais ce jour d’automne 1977 où je suis naïvement allé offrir mes services à la publication que je dévorais fidèlement depuis plusieurs années. Avec toute la candeur d’un adolescent de 15 ans, j’avais noté l’adresse des bureaux du journal et m’y étais tout simplement pointé. La rédaction du tabloïd occupait une suite de plusieurs chambres au deuxième étage de l’historique Hôtel Nelson. Géo Giguère, le mythique et charismatique éditeur du tabloïd habitait en permanence dans cette vaste suite. Je me souviens encore de sa réaction ahurie lorsqu’il ouvrit la porte. Il sortait de la douche et ne portait qu’un peignoir et de grandes lunettes à verres rouges aux larges montures noires. Ses longs cheveux cendrés et frisés dégoulinaient alors qu’il m’écoutait avec toute la patience du monde. Après une valse-hésitation, il accepta de me mettre à l’épreuve et me proposa d’écrire un texte. Il a dû aimer, car j’ai ensuite réalisé des entrevues, publié des critiques de disques et j’avais même ma section mensuelle, Livrock.

Marc Lamothe et Géo Giguère

 

À l’époque, le tabloïd bimensuel était tiré à 10 000 copies. Vous vous souvenez peut-être d’un personnage de l’imitateur Luc Verville nommé Jello, ce dernier était inspiré de Géo. J’ai collaboré durant deux ans à la publication, mais j’ai abandonné lorsque je suis allé travailler un été à la Baie James. À mon retour, je me suis surtout concentré sur mes études et les contrats de DJ. Ce que je retiens surtout de cette époque, c’est qu’on peut réellement se coller à ce qu’on aime. Parfois, il suffit juste d’avoir l’audace de demander.

PMS ON EXTASY

 

Quelle différence vois-tu entre être DJ et critique de disque ?

 Marc Lamothe — Être mélomane, c’est se définir en fonction de l’art des autres. Être DJ, c’est s’exprimer en utilisant l’art des autres. Être critique, c’est offrir un regard informatif tout en partageant une opinion. Parler de musique, c’est souvent parler de soi-même. Être journaliste rock, c’était pour moi partager une certaine intimité avec la musique, tout en créant un lien entre l’histoire, l’actualité et l’œuvre musicale discutée. C’est cette ligne de pensée qui a d’ailleurs toujours guidé les collages de DJ XL5

 

T’appelais-tu déjà DJ XL5 à l’époque ?

Marc Lamothe — Non, j’avais plusieurs personnalités musicales, dont DJ Fireball pour les soirées contemporaines ; DJ Flytrap, c’était plus pour les fêtes plus funky ; et DJ Kitsch pour les partys à saveurs rétro.

Je suis devenu DJ XL5 lorsque je me suis joint au collectif musical PMS ON EXTASY. Nous avions publié un mini-album concept intitulé THE SCI FI PROJECT. Pour notre premier concert, j’assurai la première partie avec un spectacle audio-visuel de DJ accompagné d’un collage vidéo diffusé sur plusieurs écrans. C’est à ce moment que j’ai réellement eu la piqûre du collage vidéo et des mashups. J’aurai peut-être dû m’appeler VJ XL5, ça aurait été plus clair pour certains car DJ désigne un disc-jockey et VJ, un vidéo-jockey.

 

Daniel Spécialité

Qu’est qu’un Zappin’ Party ?

 

Marc Lamothe — Pour y répondre, je dois emprunter un détour. DJ XL5 tel qu’on le connaît depuis 20 ans est réellement né lorsque j’ai trouvé dans une vente de garage tous les masters des publicités de Daniel Spécialités et des tonnes de vieilles VHS remplies de trucs bizarres et insolites. Je me suis mis à monter des cassettes VHS que j’offrais d’abord à mes amis sur lesquels je compilais joyeusement des publicités, des vidéoclips, des bandes-annonces, d’extraits de télé psychotronique, des extraits de films que je trouvais rigolos et des mashups de mon cru. J’y insérais de la statique entre chaque extrait pour simuler un changement de poste de télé comme dans les années 70 et 80.

C’est devenu ma marque de commerce, j’insère des statiques entre la majorité des extraits de tous mes collages vidéos, simulant l’action de zapper d’un poste à l’autre. J’ai ensuite commencé à présenter ces collages ou ces magmas de culture dans certains bars. Ces soirées s’appelaient An Evening With DJ XL5.

 

 

 

Poster Christmas Zappin’ Party et Mexican Zappin Party

 

En 2004, j’ai proposé à Pierre Corbeil, le président du festival Fantasia d’organiser des soirées de courts-métrages basées sur cette stratégie de collage. Les courts sont présentés dans leurs intégralités, mais entre les courts, j’ajoute des statiques, des vielles publicités ringardes, des extraits de films excentriques, des mashups et autres curiosités trouvées çà et là.

Et cela devient comme une soirée à regarder la télé en groupe, la salle de projection se transforme en énorme divan et le spectacle se propose comme un commentaire sur la culture populaire. Ce qui m’intéresse, c’est le rythme. Souvent, on dirait que les programmes de courts-métrages sont montés de manière aléatoire ou arbitraire. J’aime les monter avec un sens de la progression, avec un générique de début et de fin et de présenter le tout un peu comme un set de DJ, d’où le nom de DJ XL5.

Après le succès des premiers programmes de courts-métrages, j’ai décidé d’utiliser la même stratégie, mais de l’appliquer aussi sur des collages thématiques. J’ai ainsi rendu hommage au cinéma Bollywoodien, le cinéma italien de genre, le cinéma mexicain de genre, les films de zombies, la culture des super-héros au cinéma, le courant de Blaxploitation des années 70, l’histoire de l’ancêtre des vidéoclips et même une soirée thématique portant sur les films et spéciaux télévisés de Noël.

 

Mashups vidéosoniques de DJ XL5

Parlons donc de votre collage d’adieu, LES MASHUPS VIDÉOSONIQUES DE DJ XL5. Pouvez-vous nous décrire cet événement visuel et sonore ?

Marc Lamothe — C’est un événement de 120 minutes construit avec trois lignes narratives qui évoluent en parallèle. Il a été coréalisé avec DJ BARAGON (Éric Lavoie de son vrai nom), mon collaborateur artistique, monteur et meilleur ami depuis 2004. Un Mashup au sens de ce projet désigne essentiellement la juxtaposition d’une scène iconique du cinéma où l’on substitue la musique originale pour en apposer une autre. Je fais le même exercice avec certains vidéoclips auxquels j’applique une autre piste sonore. Dans le même esprit, certains mashups partagés se concentrent sur des collages de plusieurs extraits de films regroupés par thématique et guidés par des collages sonores unificateurs.

De plus, il y a un segment ou je juxtapose en trois minutes plus de 800 pochettes de disques vinyles sur une pièce écrite et produite spécialement pour ces fins.

Bande annone : https://vimeo.com/740719906

À mes débuts, je souhaitais me spécialiser dans les mashups, mais ma carrière a pris une autre tournure, mais chacun de mes assemblages de courts-métrages et de mes soirées thématiques en contenait toujours deux ou trois.

Ce programme est donc composé de près de 50 mashups différents réalisés entre 2001 et 2022. Près du tiers est composé de collages conçus expressément pour cet événement. Le tout se présente donc comme une réflexion sur les diverses possibilités qu’offre cette discipline.

 

 DJ XL5 et les réalisateurs qui ont contribué à son dernier programme de courts

Merci infiniment à Paul Landriau et l’équipe du FCVQ de me faire confiance avec cet événement et d’y avoir donné une place dans leur programmation. Merci aussi à mon collaborateur Éric Lavoie de m’avoir permis de réaliser cet événement. DJ XL5 n’est rien sans lui. Quand j’ai une idée, c’est Éric qui travaille le plus fort.

C’est humblement l’œuvre dont je suis le plus fier et qui déploie le mieux ma créativité et l’univers que je cherche à créer depuis 20 ans. Je clos ainsi mes événements publics avec ma première intention, bouclant ainsi une boucle sur mes activités de collagiste. Ce n’est pas nécessairement la mort de DJ XL5, mais la fin des programmes de courts et des soirées thématiques.

 

Pourquoi en faire votre denier événement public ?

Marc Lamothe — J’ai l’impression d’avoir fait un peu le tour de ce que je pouvais produire. Plutôt que de me faire imposer une fin, j’ai choisi moi-même celle-ci alors que les choses vont encore bien et qu’un public suit toujours mon travail. J’ai entamé l’œuvre de DJ XL5 alors que j’avais 40 ans. J’arrive à 60 ans et souhaite me départir de la pression d’avoir à organiser plusieurs événements et œuvres par année.

DJ XL5 représente pour moi la période la plus créative de ma vie. En 20 ans, j’ai produit 19 programmes de courts-métrages, 20 événements thématiques, 18 œuvres commandées par d’autres festivals et cinémas répertoires, coscénarisé deux courts-métrages, participé à la mise en scène de sept autres courts, réalisé deux vidéoclips, produit une exposition de mes collages sur papier et une dizaine de collages musicaux pour la radio.

DJ XL5, c’était aussi une réponse à une période de dépression en 2001 et pour donner un sens à mes insomnies et à ma collection envahissante de films de VHS de l’époque. Cette année, j’ai décidé d’attaquer de front mon problème d’insomnie. Je désire dorénavant me concentrer à l’écriture et entamer ma préretraite à la campagne. J’ai notamment un projet d’ouvrage consacré à l’histoire et au recensement des films de genre au Québec.

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