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« 14 jours 12 nuits » : entrevue avec la scénariste du film Marie Vien

Publié le 11 mars, 2020
Publié le 11 mars, 2020

Les personnages de « 14 jours 12 nuits » vus par la scénariste Marie Vien

Trois ans après Chasse-Galerie, la légende, Jean-Philippe Duval nous revient avec 14 jours 12 nuits son cinquième long métrage mettant en vedette Anne Dorval, l’actrice française Leanna Chea, nommée aux Prix Écrans canadiens, et François Papineau.

Une entrevue de Charles-Henri Ramon 

Tourné au Vietnam et au Bic au courant de l’hiver 2017-2018, le film a été présenté à l’automne dernier au Festival du cinéma international en Abitibi-Témiscamingue et a pris l’affiche vendredi  le 6 mars 2020, à Montréal, Québec et dans plusieurs salles de la Province.

Nous avons eu l’occasion de nous entretenir avec Marie Vien pour qu’elle nous en dise plus long sur les deux personnages principaux de son scénario.

« J’ai deux enfants. L’une est d’origine chinoise, l’autre est née au Vietnam, nous dit la scénariste. Aux dix-huit ans de cette dernière, nous sommes retournées faire le pèlerinage. Bien sûr, quand on adopte un enfant, quand on l’a dans nos bras, on est complètement ailleurs. Mais 18 ans plus tard, on n’est plus du tout dans le même espace-temps. Pendant des mois, j’ai été hantée par ces mères qui avaient mis mes filles au monde. J’ai demandé la permission à mes filles d’écrire un film sur ce sujet. Après leur accord, cela a été très simple. J’ai dessiné un triangle avec l’enfant au sommet et les deux mères aux extrémités. Pour que les deux mères se rencontrent, j’ai mis mon chapeau de scénariste et j’ai imaginé un développement dramatique qui le unit toutes les deux. » 

« Le film est très axé sur la mère biologique. Je voulais qu’elle parle français, pour ne pas avoir un film entièrement en sous-titres, et comme il était très difficile de tourner en Chine, le Vietnam s’est imposé. Si elle parle français, c’est que quelqu’un lui a enseigné, d’où le lien avec l’Indochine. J’ai campé le film dans le Vietnam du Nord, pour raconter cette histoire de Thuy, une jeune femme née durant la guerre du Vietnam, en 1972, alors que les américains mènent une campagne de bombardements massifs appelée « Christmas Bombing ». Hanoï est sous la pluie des bombes, Thuy perd ses parents. Elle sera élevée par sa grand-mère et son grand-oncle qui a fait les beaux arts. L’enfant qu’elle a adopté devient donc le lien, l’unification entre l’Orient et l’Occident. Je voulais aussi que cette femme soit artiste peintre, c’était clair dès le départ, parce que les Vietnamiens sont extrêmement habiles de leurs mains, très portés vers les arts. Il y a plusieurs couches et dates clés dans le film, mais elles ne sont pas soulignées, pas expliquées. »

14 jours 12 nuits se déroule en 2008 alors qu’Isabelle, la mère adoptive de Clara (jouée par la jeune Laurence Barrette), retourne au Vietnam pour rencontrer la mère biologique de sa fille. Isabelle est incarnée par Anne Dorval. « C’est une Québécoise qui est dans un état de chaos, qui fait le pèlerinage pour retrouver la mère de sa fille. La société vietnamienne est une société très de droite, très conservatrice, même à ce jour. Les femmes doivent être mariées, etc. On est encore un peu dans cette mentalité. Ainsi, les jeunes filles qui sont forcées de laisser leur bébé vont mettre un petit papier dans les langes. C’est quelque chose qui se fait couramment. C’est une manière de lancer une bouteille à la mer. Un jour peut-être que… Je voulais que cette jeune femme qui n’a pas connu ses parents d’origine soit représentée comme une artiste qui porte en elle une forme de disparition. C’est un film peu dialogué, très artistique. En fait, les dialogues sont écrits sous forme de didascalies. Je voulais que cette femme soit dans la poursuite de Tran Van Khan, mais aussi d’Eugène Carrière, ce grand peintre français qui avait toujours de images floues et que l’on ne voit pas les visages. Face à elle, il y a la mère qui vient du Bic, et qui pour moi, est le symbole de la fertilité et qui incarne la force de l’eau. Entre elles, l’enfant devient l’union dans elles deux. »

Marie Vien n’a pas assisté au tournage, mais se dit enchantée du résultat final. « Quand on scénarise, on met un bébé au monde, et par la suite, on doit le laisser aller. Cela dit, je suis très contente du résultat, car l’âme du scénario se retrouve dans l’âme et dans l’atmosphère du film. L’équipe qui était autour du producteur et du réalisateur était formidable. Les images d’Yves Bélanger sont d’une rare profondeur. Le film passe à travers ses yeux. Je suis à genou! L’esthétique aussi est fantastique, chaque scène est un tableau. La direction artistique d’André-Line Beauparlant est magnifique. Je leur suis très reconnaissante. » 

Entrevue réalisée par Charles-Henri Ramond, à Montréal, le 17 février 2020.

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