Une entrevue de Marc Lamothe avec le réalisateur Rémi Fréchette
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Marc Lamothe s’entretient avec Rémi Fréchette dans la série :
« La pandémie, les désastres et le cloisonnement dans le cinéma québécois »(4),
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« J’ai travaillé plus de quatre ans sur le projet Montréal Dead End. Ça faisait un moment que je voulais piloter un projet Omnibus. J’ai toujours aimé les anthologies d’horreur, même si la règle est qu’il y a généralement un sketch qui déçoit. Un de mes favoris du genre reste Creepshow (1982), la collaboration entre George Romero et Stephen King. J’avais beaucoup aimé Paris, je t’aime (2006) et je me disais que le 375e anniversaire de Montréal serait pertinent pour ce genre de projet. Malheureusement, la ville n’a pas reçu notre demande avec le même enthousiasme. » – Rémi Fréchette
Rémi Fréchette est habité d’une volonté à toutes épreuves de tourner. Il compte notamment 103 courts métrages réalisés entre 2003 et 2019. Durant les 4 années où il était membre du mouvement Kino à Sherbrooke, de 2005 à 2008, il a rigoureusement tourné un film par mois, tous les mois, sans exception. Il est aussi dévoué au rituel de regarder des films et est très attaché aux divers médias sur lesquels il consomme sa boulimie filmique. Il est peut-être le seul réalisateur au Québec à avoir une cassette VHS de tatouée sur le bras, à défaut de l’avoir sur le cœur.
Rémi termine ses études cinématographiques à Concordia en 2012 et se démarque rapidement avec LES JAUNES, une série web qu’il co-écrit et réalise. La série deviendra un long métrage qui a su se promener dans le circuit des festivals de films. Sa deuxième série web, L’ÉTRANGE PROVINCE, remporte le Prix Numix, un concours récompensant l’excellence en créativité numérique du Québec, dans la catégorie Humour et variété en 2016. Entre 2017 et 2018, il supervise et coréalise le film omnibus MONTREAL DEAD END regroupant une pléiade de 15 segments réalisés par 18 réalisateurs et réalisatrices émergents et majoritairement membres du mouvement Kino. Plus qu’un film, c’était littéralement le manifeste d’une génération montante de cinéastes qui criait haut et fort leur amour et leur volonté de réaliser du cinéma de genre au Québec. À la même période, il réalise aussi le court métrage A NIGHT OF SWEATS (2018), qui a sera choisi dans la section Talents tout court du Festival de Cannes, édition 2019.
Présentement, Rémi Fréchette est très actif en production télévisuelle à titre de réalisateur et de monteur. Il développe des projets de films, coanime depuis 2013 le podcast cinéma POINT DE VUES et est directeur de la programmation québécoise au Festival international de films Fantasia. De dire qu’il aime le cinéma serait un euphémisme.
Rémi Fréchette est actuellement en cloisonnement dans un nouveau logement où il a emménagé littéralement une semaine avant le grand confinement imposé le jeudi 12 mars dernier. Nous avons discuté avec lui de la genèse des projets LES JAUNES et MONTREAL DEAD END, de leur tournage et lui avons demandé à quoi il s’occupe en période de confinement.
CTVM.info : Que pouvez-vous nous dire sur la genèse du film LES JAUNES ?
Rémi Fréchette : Ce projet repose réellement sur un timing incroyable. Après nos études à Concordia en 2012, nous étions un groupe à vouloir nous impliquer dans un gros projet. D’une part, on s’est demandé quelles étaient nos ressources, et de l’autre, quels lieux de tournage s’offraient à nous. J’ai vite réalisé que je voulais réaliser un film de zombies, mais dans l’esprit des films de monstres des années 80 à la Gremlins (1984) de Joe Dante. Le projet est réellement né d’une série de discussions avec mon ami de jeunesse devenu compositeur, Hugo Maynard. On voulait construire une espèce de film musical, mais sans chansons. Mon écriture de scénario était réellement en symbiose avec le fait qu’il écrivait la bande sonore simultanément. Chaque scène avait son thème, son rythme et sa personnalité. Dès ce moment, ç’a réellement eu un effet boule de neige. Nous avons trouvé des sous, nous avons dégoté des commanditaires et nous avons créé une campagne de sociofinancement avec Kick Starter. C’était au début de ce type de financement, les gens n’étaient pas encore blasés ou sursollicités par ce genre de projet. La production des accessoires de tournage et la direction artistique découlaient souvent de la créativité de notre équipe impliquée.
L’arrivée de David Émond-Ferrat dans le projet a aussi été déterminante. Il était de toutes les étapes, de coscénariste à directeur artistique, de chef de la deuxième équipe de tournage à graphiste officiel du projet… Je suis davantage dans la mécanique du scénario et de la mise en scène. David a amené une dimension plus émotive au projet. Quelque part, je suis davantage l’auteur des premiers épisodes et lui des derniers de la série web.
CTVM.info : Vous passiez du court métrage à quelque chose de plus gros et complexe, une série web de plusieurs épisodes. Quels souvenirs gardez-vous de ce tournage ?
Rémi Fréchette : Je ne sais pas comment on s’en est sorti. C’était surréaliste. Écoute, nous tournions dans 13 villes en moins d’un mois. À titre d’exemple, prends le supermarché des premiers épisodes. L’extérieur est tourné devant un supermarché à Sutton. Le plancher principal était tourné dans un autre supermarché à Laval alors que l’entrepôt arrière a été tourné
à Montréal près du métro Laurier, car nous cherchions des spécificités particulières. À un moment, nous avions trop de bénévoles et de gens qui voulaient nous aider et parfois je -paniquais sur le plateau à ne pas reconnaître la personne qui venait de m’apporter un café. Kino dont la devise est «Faire bien avec rien, faire mieux avec peu, mais le faire maintenant » a été pour moi une très bonne école. Finalement, LES JAUNES a été une expérience fondatrice et ma première carte de visite.
CTVM.info : Que pouvez-vous nous dire sur la genèse de votre autre projet ambitieux, MONTREAL DEAD END ?
Rémi Fréchette : J’ai travaillé plus de quatre ans sur ce projet. Ça faisait un moment que je voulais piloter un projet omnibus. J’ai toujours aimé les anthologies d’horreur, même si la règle est qu’il y a généralement un sketch qui déçoit. Un de mes favoris du genre reste Creepshow (1982), la collaboration entre George Romero et Stephen King. J’avais beaucoup aimé Paris, je t’aime (2006) et je me disais que le 375e anniversaire de Montréal serait pertinent pour ce genre de projet. Malheureusement, la ville n’a pas reçu notre demande avec le même enthousiasme.
Un jour, Yohann Thiou avait mis sur les réseaux sociaux un message du genre « Vous voulez qu’on se fasse un film à sketches, parlez-moi ». Je l’ai contacté et ç’a été le vrai point de départ. Nous avons lancé des invitations à tous les réalisateurs qui avaient participé au dernier Kabaret Kino et le projet s’est construit ainsi. Kino nous prêtait ses équipements de tournages. La rigueur Kino nous confirmait que les réalisateurs qui se joindraient à l’aventure pousseraient leur segment jusqu’à complétion. On a perdu du monde en chemin, mais on est très fiers du résultat final. Carnior devait aussi se joindre à notre groupe de réalisateurs. C’est lui qui nous avait convaincus que le film devait avoir un fil conducteur pour relier les segments et non -seulement se présenter comme une succession de sketches.
Ç’a été décisif.
Nous avions proposé une première version work in progress au Festival du Film Fantastique de Bruxelles (aussi connu sous l’acronyme de BIFFF), mais je n’étais pas heureux du rythme et de l’ordre des segments. Je voulais trop me coller à une trame narrative de 24 heures et respecter, dans l’ordre des segments, les moments du jour où ceux-ci devaient se produire (matin, midi, soir et nuit). En augmentant la trame sur 48 heures, ça nous donnait une meilleure latitude pour placer les segments et avoir une cadence plus équilibrée.
CTVM.info : Qu’en est-il du projet QUÉBEC DEAD-END ?
Rémi Fréchette : Ça semble vouloir se faire. Un groupe piloté par des gens motivés, dont Mathieu R. Grenier (producteur), Steve Villeneuve (réalisateur, scénariste, monteur et producteur) et Marc Bertrand (l’un des producteurs de MONTRÉAL DEAD-END) s’organise autour d’une production où plusieurs villes et régions clés du Québec sont envahis par des forces maléfiques, un peu comme celles de MONTRÉAL DEAD-END. Je serai producteur au contenu pour assurer une continuité et suis très excité à l’idée de tourner un segment à Sherbrooke, là où j’ai grandi et fait mes premières armes en cinéma. Carnior devrait aussi tourner un segment à Québec. Bref, plein de réalisateurs travaillent sur des idées. Ça ne sera pas une suite à MONTRÉAL DEAD-END. Il ne sera pas nécessaire d’avoir vu le premier pour voir ou apprécier la nouvelle anthologie provinciale.
CTVM.info : La réalité vient de rattraper vos fictions. Comment vivez-vous ce moment de confinement ?
Rémi Fréchette : La vie a changé. Pour moi, c’est très spécial, car je termine à peine une série télé, j’ai un nouveau logement et j’ai migré d’Android à Apple, donc bien des changements à gérer en même temps. Je suis en paix avec ce cloisonnement. J’en ai profité pour défaire mes dernières boîtes, apprivoiser mon nouveau iPhone et j’ai du temps pour faire des choses que je n’ai pas le temps d’habitude de faire.
Je viens entre autres de terminer le scénario d’un nouveau court métrage qui se veut une suite à A NIGHT OF SWEATS, un court dont on s’était dit qu’il n’y aurait jamais de suite. Mais l’idée me plaît et je réalise qu’on a tous hâte d’être en gang et se retrouver. Ça s’appelle A NIGHT OF BLOOD et ça se passe dans un chalet tout de suite après le premier film et notre groupe d’amis semble poursuivi par un tueur en série. On change de registre avec les mêmes personnages, l’original était une comédie.
CTVM.info : Qu’est-ce que vous regardez en ce moment comme film ou série en temps de cloisonnement ?
Rémi Fréchette : J’en profite pour faire du rattrapage sur les films québécois de 2019 que je n’ai pas encore vu. Si mon favori de l’an dernier reste 20th Century de Matthew Rankin, je dois avouer que j’ai vraiment beaucoup aimé La femme de mon frère de Monia Chokri. Je suis à me taper la série Fleabag.
J’ai une grosse collection de DVDs et Blu-Rays, dont beaucoup de titres que je n’ai encore jamais vus. Plus tôt cette semaine, j’ai enfin vu Mississipi Burning (1988) d’Alan Parker. J’y ai reconnu des choses que j’ai retrouvées dans des séries, comme la deuxième saison de Mindhunter.
CTVM.info : Quels bons films de pandémie, de désastre ou de cloisonnement vous viennent en tête ?
Rémi Fréchette : Le premier qui me vient en tête, c’est 28 Days Later (2002). Peut-être mon favori de Danny Boyle. Le film a été tourné presque entièrement en caméra DV, donnant un aspect vraiment nerveux dans un Londres désert. Je dirais aussi la trilogie Evil Dead de Sam Raimi, car il y a une certaine contagion qui est évoquée.
Je pense aussi à John Carpenter. Je reviens sur In The Mouth Of Madness (1994), Prince Of Darkness (1987) et The Thing (1982) qui parlent chacun à leur manière de pandémie.
CTVM.info : Si vous aviez la chance de refilmer LES JAUNES l’an prochain, qu’est-ce qui changerait face à la version originale ?
Rémi Fréchette : LES JAUNES, ça fait plus de 8 ans. Je ne pense plus de la même manière et ne filme plus de la même façon. La nouvelle version serait plus sombre et intégrerait plus d’éléments de notre société. La série serait plus posée, plus dosée, plus réaliste. L’original était très mécanique avec des caméras dominées par des trépieds et des chariots. La nouvelle version aurait sûrement davantage de caméra à l’épaule pour une impression d’être davantage sur le terrain plutôt que simple spectateur. À titre de réalisateur, je voudrais m’approcher de mes personnages. Mais le tout dépendrait aussi du format de la production, film versus série web. LES JAUNES en 2014 voulait plaire à l’adolescent en moi ou à l’adolescent que j’étais. La nouvelle version devrait parler à l’adulte que je suis devenu.
Une entrevue réalisée par Marc Lamothe
Directeur des partenariats et Programmateur
Festival international de films FANTASIA
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LES JAUNES
LES JAUNES (2014) de Rémi Fréchette. Produit par Katerine Lefrançois & Pascal Plante. Scénario – Rémi Fréchette & David Émond-Ferrat. Photographie – Vincent Allard & Laurence Turcotte Fraser. Son – Arnaud Allary, Andrew Beaudoin. Montage – Karim Haroun & Rémi Fréchette. Musique – Hugo Mayrand. Avec – Pierre-Louis Renaud, Mélissa Merlo & Jason Roy-Léveillée
La version film de LES JAUNES est payante à partir de cet hyperlien où l’on peut voir aussi la Bande annonce : https://vimeo.com/ondemand/lesjaunestheyellows
Tous les 10 épisodes peuvent être vu en ligne sur YouTube à partir de ce lien : https://www.youtube.com/watch?v=7wjWijmqE_w&list=PLtag3fPMDlBW3z5ty5Ic7eUFG_irUqn8K
Pour voir MONTREAL DEAD END :
https://www.montrealdeadend.com
MONTREAL DEAD END (2018) de Hugo Belhassen, Audric Cussigh, Julie De Lafrenière, Tiphaine DeReyer, Eve Dufaud, Rémi Fréchette, Émilie Gauthier, Mara Joly, Quentin Lecocq, Charles Massicotte, Mickael N’Dour, Jimmy G. Pettigrew, Priscillia Piccoli, Gaëlle Quemener, Loïc Surprenant, Frederick Neegan Trudel, Catherine Villeminot, David Émond-Ferrat.
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