
CHÈRE AUDREY en sélection officielle aux Rencontres internationales du documentaire de Montréal (RIDM) 2021
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Catégorie(s) : Actualités — CINÉMA — documentaire
Chère Audrey (Dear Audrey), du cinéaste montréalais Jeremiah Hayes rend hommage au grand cinéaste québécois Martin Duckworth, qui éprouve un amour inaltérable pour sa femme et sa famille.
Le film sera présenté en salle le 19 novembre en première mondiale aux RIDM.
Cinéaste militant de renom, Martin Duckworth a consacré son existence à la paix et à la justice. Il a maintenant remisé sa caméra pour servir la cause la plus importante de toute sa vie : il prend soin de sa femme qui traverse les derniers stades de la maladie d’Alzheimer, et son amour pour elle grandit alors qu’il porte un regard rétrospectif sur une vie et une carrière formidables.
SYNOPSIS
Cinéaste militant de renom, Martin Duckworth a consacré son existence à la paix et à la justice. Mais il a maintenant remisé sa caméra pour servir la cause la plus importante de toute sa vie : prendre soin de sa femme, Audrey Schirmer, qui traverse les derniers stades de la maladie d’Alzheimer. Acceptant courageusement chaque nouvelle étape avec délicatesse et résilience, Martin témoigne d’une loyauté inconditionnelle, car il trouve chaque jour de nouvelles raisons de l’aimer.
À l’aide d’extraits des films de Martin et de photographies saisissantes de sa femme, Chère Audrey brosse un portrait complexe de la réalité crue, mais non moins tendre du couple et nous rappelle ses aventures, depuis sa présence en première ligne dans les manifestations contre la guerre du Vietnam jusqu’au mouvement de contre-culture hippie.
Le film témoigne de façon poignante de l’amour et du dévouement de Martin, qui s’intensifient au fil des décennies.
Tandis qu’Audrey dépérit graduellement — et que Jacqueline, la fille autiste du couple, a du mal à composer avec la maladie de sa mère —, Martin se dévoue corps et âme pour apporter à leur vie une part de sens et de créativité.
Martin Duckworth
Martin Duckworth est un documentariste et directeur photo canadien de renom. Ayant grandi pendant la Grande Dépression, il a amorcé sa carrière cinématographique à 30 ans, au plus fort de la révolution hippie des années 1960. Ses films, primés, témoignent de son sens artistique et de sa conscience sociale. Il a voyagé à travers le monde, réalisé 30 films et assuré la direction photo ou la prise de vues d’une centaine d’autres. C’est ainsi qu’il a vu les horreurs de la guerre au Vietnam, au Cambodge, au Japon et en Afghanistan. En 2015, il a reçu l’une des plus grandes distinctions au Québec, le prix Albert-Tessier, qui souligne un apport exceptionnel dans le domaine du cinéma.
Martin a notamment réalisé 12,000 Men (prix Golden Sheaf, Yorkton, 1978), Retour à Dresden (prix Golden Sheaf, 1986), Une histoire de femmes (Prix de l’Association québécoise des critiques de cinéma, 1980), Plus jamais d’Hiroshima (prix Génie, 1984), Nos derniers jours à Moscou (Meilleure réalisation, FIFA, 1987), Oliver Jones in Africa (Golden Dukat, Mannheim, 1990) et A Brush with Life (Meilleur film, Hot Docs, 1994). À titre de directeur photo, il apparaît au générique des films Christopher’s Movie Matinee (Mort Ransen, 1968), Le jaune en péril (Michael Rubbo, 1970), Le bonhomme (Pierre Maheu, 1972), Richesse des autres (Maurice Bulbulian, 1973), Falasha: Exile of the Black Jews (Simcha Jacobovici, 1983), La bombe en bonus (Claire Nadon et Audrey Schirmer, 1986), Entre deux mondes (Barry Greenwald, 1990), Seeing Red (Julia Reichert et Jim Klein, 1993), Maureen Forrester: The Diva in Winter (Donald Winkler, 1999), Return to Kandahar (Paul Jay et Nelofer Pazira, 2003), Professeur Norman Cornett (Alanis Obomsawin, 2009), Ma vie réelle (Magnus Isacsson et Franck Le Coroller, 2012) et Granny Power (Jocelyn Clarke et Magnus Isacsson, 2014). Martin a aussi assuré la prise de vues de films tournés par des cinéastes comme Gilles Groulx, Donald Shebib et Peter Watkins.
Il est un descendant de Nicholas Austin, fondateur d’Austin au Québec et l’un des premiers quakers de la province. Il a grandi dans le quartier Notre-Dame-de-Grâce (NDG), à Montréal. Il a fréquenté l’école secondaire à Halifax, en Nouvelle-Écosse, l’Université Yale et l’Université de Toronto. Il possède un baccalauréat et une maîtrise en histoire. Son père, Jack Duckworth, a été secrétaire général du YMCA de NDG et de Halifax. Sa mère, la Canadienne Muriel Duckworth, était une pacifiste et militante bien connue. Martin a épousé Audrey Schirmer, photographe et militante sociale, qui a collaboré avec lui à un certain nombre de projets. Ils ont eu trois enfants : Nicholas, Jacqueline et Danielle. Martin est également père de jumelles qu’il a eues d’un premier mariage, Marya et Sylvia, et de deux autres filles, Natascha et Anana, qu’il a eues d’un deuxième. Il est toujours un ardent défenseur de la paix mondiale.
Audrey Schirmer
Photographe et militante sociale, Audrey Schirmer est née à Springfield, au Massachusetts. Après avoir obtenu son diplôme de l’Université de Boston en plein soulèvement étudiant de 1968, elle a étudié la photographie à New York et elle est ensuite devenue photographe pigiste, en première ligne des manifestations contre la guerre du Vietnam.
Outre ses nombreuses collaborations avec son mari, le documentariste Martin Duckworth, Audrey a présenté diverses expositions de photos, dont nombre de clichés d’enfants d’immigrants et des mouvements pacifistes.
C’est elle qui a créé le département de photographie au Centre Saidye-Bronfman à Montréal, en 1972, où elle a enseigné pendant 16 ans. Elle s’est ensuite entièrement consacrée à sa fille autiste, Jacqueline.
Elle a reçu un diagnostic de maladie d’Alzheimer en 2013 et est décédée le 27 décembre 2019.
MOT DU RÉALISATEUR Jeremiah Hayes
Après l’école de cinéma, j’ai d’abord travaillé avec Martin Duckworth. C’était en 1991, à l’Office national du film du Canada, et j’étais monteur adjoint du film de Martin sur la guerre du Golfe, Armé pour la paix. Dès le début, la ferme volonté qu’avait Martin d’exprimer ses convictions dans ses films m’a inspiré. Nous sommes toujours restés en contact, mais ce n’est qu’il y a quatre ans, après que sa femme, Audrey Schirmer, a reçu un diagnostic de maladie d’Alzheimer, que notre amitié a commencé à se resserrer. J’allais chez lui à quelques semaines d’intervalle et je tournais des séquences les montrant avec leur fille autiste, Jacqueline. Je ressortais de chaque visite ému de leur authenticité absolue. Je ne doutais pas un instant que celle-ci transparaîtrait dans le film. Dans les années qui ont suivi, j’ai aussi appris les nombreuses péripéties, parfois tragiques, qu’a vécues Martin.
Bien qu’il eût réchappé d’un accident d’auto qui avait failli lui coûter la vie au Mexique et qu’il eût assisté à des massacres en tournant au front dans des pays dévastés par la guerre aux quatre coins du monde, il restait optimiste. Les souffrances et la mort dont il a été témoin lui ont appris combien chaque instant de la vie est précieux. C’est quelque chose dont j’ai aussi pris conscience après la longue bataille menée par ma mère, atteinte de la maladie de Lou-Gehrig, dans les années 1990. Comme ce fut le cas pour Martin, mes expériences de la maladie et de la mort ont changé mes priorités. Traverser de pareils moments transforme l’ordinaire en extraordinaire.
J’ai tourné Chère Audrey en hommage à Audrey, à Martin et à leur famille. Pendant cette pause collective en cette nouvelle ère de COVID, nous mettons en question ce qui importe et nous nous tournons vers l’urgence de vivre. Dans cet esprit, Chère Audrey est un cadeau qui arrive à point nommé — un rappel des choix que nous faisons et des familles que nous fondons, et une invitation pour nous tous à mieux prendre soin les uns des autres.
La vraie vie au cinéma, sans fard
Chaque fois que je demandais à Martin si je pouvais venir filmer, j’étais surpris qu’il ne dise jamais non. Durant ces quatre années, j’ai accumulé presque 50 jours de tournage (et au moins 90 heures de séquences documentaires). Par conséquent, l’auditoire a un accès privilégié et incroyable à des moments intimes, alors que Martin et sa famille affrontent la plus rude épreuve de leur vie. Il s’agit là d’un portrait cru, sans compromis, d’une famille en crise, tourné et monté dans un style inspiré de la tradition du cinéma-vérité. Martin Duckworth assurant la narration dans ses propres mots (extraits d’une quinzaine d’heures d’entrevue), nous suivons les hauts et les bas de sa vie remarquable.
Ce film est tiré de la vraie vie. De moments de la réalité d’un couple vieillissant, mais toujours amoureux, qui se bat et persévère même si les dés sont pipés. La vraie vie d’une fille autiste, maintenant adulte, qui doit composer avec la perte. Combinant entrevues impromptues, conversations spontanées et moments émouvants de leurs vies, la narration au présent donne à l’auditoire le sentiment d’y être vraiment. Un monde en soi, mis en relief par l’atmosphère d’un appartement faiblement éclairé, rempli d’ombres. Une existence presque suspendue dans le temps.
Des quelque 55 films que j’ai réalisés ou montés, trois ont particulièrement influencé ma vision de Chère Audrey : God Comes as a Child, Elefanti et Hollywood et les Indiens. God Comes as a Child raconte l’histoire de ma mère, Florence Perrella, durant les dernières années de son combat contre la maladie de Lou-Gehrig, alors qu’elle écrit de la poésie sur cette période difficile de sa vie. Elefanti relate l’histoire de Mario Lattoni, un homme de 90 ans incarcéré dans un camp d’internement en Ontario durant la Deuxième Guerre mondiale, et de son fils mort d’une surdose d’héroïne. Le film montre les conséquences de cette détention de trois ans sur lui et sur d’autres Italiens, ainsi que sur des Allemands et des Japonais. Dans God Comes as a Child et Elefanti, je suis fasciné par des personnages complexes qui nous laissent plonger dans leur monde, de sorte qu’on se sent proche d’eux et de leur histoire bouleversante. Dans Hollywood et les Indiens (comme dans Chère Audrey), des extraits d’autres films bien connus sont minutieusement intégrés à des archives historiques et à des entrevues en profondeur. Il en résulte une mosaïque visuelle captivante qui confère de plus nombreuses couches de sens à la thèse développée dans le film. Par leur extraordinaire fusion de films historiques et d’archives, leur portrait intimiste d’épreuves et d’endurance, ces trois films m’ont inspiré des choix créatifs pour Chère Audrey.
Évasion fantaisiste par l’animation
Le recours à l’animation confère à Chère Audrey une structure magique et dynamique. Bien que ce long métrage ne comporte qu’environ cinq minutes d’animation, celle-ci joue un rôle important. Seule l’animation permet de traduire les nombreux souvenirs fascinants de Martin qui semblent planer, défiant les règles de la gravité. Je pense entre autres à une scène où il explique qu’il a escaladé le Machu Picchu et campé dans les ruines de l’ancienne cité. On pouvait encore faire ça, en 1971. C’est en regardant le ciel étoilé cette nuit-là qu’il a décidé d’épouser Audrey et de fonder une famille. L’animation nous entraîne au Machu Picchu et à de nombreux autres endroits, ce qui crée des évasions amusantes et rafraîchissantes tout au long du film.
Amalgame d’archives impressionniste
Outre l’animation, Chère Audrey renferme un amalgame d’extraits stylisé et impressionniste des 30 films qu’a réalisés Martin, de la centaine de films pour lesquels il a été caméraman ou directeur photo, et d’innombrables photos de famille, en plus d’archives de l’époque, afin d’illustrer les moments clés de sa vie. Chaque retour en arrière historique prépare l’auditoire au jour où il tombe amoureux d’Audrey. Ainsi, l’un des principaux tournants de l’histoire de Martin est le Vietnam. Ce dont il a été témoin au cours de son tournage en 1969, au plus fort de la guerre du Vietnam, a transformé le hippie insouciant qu’il était en un homme épris de paix mondiale et de justice sociale. Peu après, Martin a rencontré Audrey dans une manifestation contre la guerre à Toronto.
Sous-texte et sens exprimés en musique
La musique joue un rôle important dans le paysage sonore stylisé de Chère Audrey, ajoutant au film une touche d’enjouement, d’originalité et d’espoir. Elle constitue une force du récit qui confère du sous-texte et du sens à presque chaque scène. Elle amène l’auditoire à se poser des questions, le stimule et constitue ainsi un moyen efficace de contrer les difficultés et la noirceur du film.
Pertinence sociale et portée
Chère Audrey est d’abord et avant tout une histoire d’amour. C’est le portrait d’un homme qui célèbre la vie et éprouve un amour inaltérable pour sa femme et sa famille. Un homme qui n’abandonne jamais et qui comprend toute la valeur de chaque instant.
L’histoire de la vie intrépide de Martin constituait l’élément fondamental pour donner un caractère plus universel et « englobant » au film. C’était essentiel pour faire contrepoids à la bataille de la famille contre la maladie d’Alzheimer. Grâce à l’intégration des moments les plus inspirants de sa vie et de la crise familiale actuelle, Martin devient le héros de l’histoire, et le film prend une dimension épique. Les retours en arrière, aux moments les plus marquants de sa vie, alternent avec des scènes de la vie familiale actuelle et de son combat contre la maladie d’Alzheimer. C’est une vie qu’on croirait un peu sortie d’un roman. Une vie qui ne pourrait qu’être le fruit de l’imagination.
Ayant grandi pendant la Grande Dépression, Martin a amorcé sa carrière à 30 ans, au plus fort de la révolution hippie des années 1960. Ses films, primés, témoignent de son sens artistique et de sa conscience sociale. Il a voyagé à travers le monde, réalisé 30 films et assuré la direction photo ou la prise de vues d’une centaine d’autres. C’est ainsi qu’il a vu les horreurs de la guerre au Vietnam, au Cambodge, au Japon et en Afghanistan. Il a survécu à un accident d’automobile qui a failli lui coûter la vie au Mexique, s’est marié trois fois, est le père de sept enfants et trouve encore le temps de défendre avec ardeur la paix dans le monde. Plus récemment, il a reçu l’une des plus grandes distinctions au Québec, le prix Albert-Tessier, qui souligne un apport exceptionnel au domaine du cinéma. La véritable force de Chère Audrey réside dans l’interaction symbiotique entre la vie captivante de Martin et sa situation actuelle avec Audrey et Jacqueline, marquée par le combat contre la maladie d’Alzheimer. Même si chaque fil narratif pourrait se tenir seul, ils dégagent ensemble une force qui leur donne une dimension épique.
Martin et son histoire
Je vois parfois de la fatigue dans le regard de Martin. Mais, malgré la crise douloureuse que vit sa famille, il ne capitule pas. En raison de son optimisme indestructible, je suis convaincu que Chère Audrey touchera les gens et les inspirera. Chaque fois que j’allumais la caméra ou que je montais une courte scène, la magie de la chaleur d’Audrey et Martin et de leur passion pour la vie opérait. Pourtant, même si Martin est devenu un mentor et un modèle pour moi, ce film n’est pas un hommage à la gloire de l’homme, non plus qu’une rétrospective de ses nombreux films. Il s’agit plutôt de la description honnête et crue d’un être humain qui n’est pas toujours parfait et qui livre le combat le plus pénible de sa vie, une lutte qu’il poursuit avec abnégation pour faire ce qu’il faut.
Chère Audrey
Dear Audrey (original version)
Jeremiah Hayes
2021 | 90 min
Documentaire
Anglais avec sous-titres français
Coproduit par Cineflix Media et l’ONF
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