Entrevue avec le duo de réalisateurs de MAD DOG LABINE

Rencontre avec Jonathan Beaulieu-Cyr et Renaud Lessard par Charles-Henri Ramond

Mad Dog Labine prend l’affiche vendredi le 5 avril 2019

Tourné durant une vingtaine de jours en octobre 2017, avec un budget de moins de 200 000 dollars fourni en partie par le Fonds des talents de Téléfilm Canada, Mad Dog Labine, est une comédie pleine d’entrain relatant l’histoire de deux adolescentes qui ont en main un billet de loterie gagnant, mais qui doivent encore trouver un adulte capable d’encaisser l’argent pour elles. Après avoir été couronné du Grand Prix Focus Québec/ Canada lors de la 47e édition du Festival du Nouveau Cinéma ainsi que du prix Gilles-Carle aux derniers Rendez-vous Québec Cinéma, Mad Dog Labine prend l’affiche ce vendredi 5 avril 2019.

Nous nous sommes entretenus avec les cinéastes Jonathan Beaulieu-Cyr et Renaud Lessard pour connaître les dessous du film.

En premier lieu, j’aimerais savoir quelles sont les origines du film?

RL – Je suis natif de l’Outaouais, Jo est natif du Témiscamingue. Entre nos deux régions natales se trouve le Pontiac. C’est un territoire que l’on connaissait depuis que l’on était jeune, mais c’est un territoire assez secret, que très peu de monde connaît. On s’est penché là-dessus et c’est devenu le point de départ de notre projet.

JBC – C’est un endroit qui est absent du discours culturel au Québec. On n’entend pas du tout cet accent, cette réalité. On se demandait pourquoi. On s’est rendu là-bas, comme des explorateurs, sans avoir d’idées préconçues sur un film à faire.

Et encore moins de chercher un financement pour en faire le sujet d’un film. Pour nous, il était vraiment question de parler de ce lieu. Si on n’y avait rien découvert, nous n’aurions pas fait de film, bien sûr, mais en cherchant, on a trouvé qu’il y avait quelque chose de particulier dans ce coin de pays. À partir de là, le film a pris forme… au fil de nos conversations et de nos rencontres.

Qu’est-ce qui rend cette région si particulière?

RL – Le Pontiac, c’est une vingtaine de municipalités et de villages. Les fusions ne sont jamais rendues là. Il y a une fierté chez la jeunesse, un fort sentiment d’appartenance, mais aussi contrecarré par l’absence totale d’opportunité économique. Les forestières ont quitté il y a longtemps. Depuis il y a bien eu plusieurs promesses de barrage hydroélectrique, mais rien n’a abouti. C’est le côté ontarien du Pontiac, de l’autre côté de la transcanadienne, qui a été développé. Donc, le Pontiac francophone est un peu le parent pauvre de la région. Ça crée une culture très différente de celle de l’Ontario ou du Québec.

Donc, à partir de ce lieu un peu spécial, vous tenez votre sujet. Quelles étaient vos intentions au moment d’entreprendre le film?

RL – Bien sûr, au départ, nous voulions parler de la région et nous savions que l’on voulait centrer l’histoire sur le personnage de Lindsay Labine, bien que nous n’ayons pas encore tous nos personnages. Il est devenu vite évident que notre point de départ serait la seule école secondaire de la région. Là, on a été très bien accueilli et cela a constitué notre point d’attache avec la communauté. Nous avons rencontré une centaine d’étudiants lors d’auditions que nous avons faites sous la forme d’entrevues pour savoir comment ils articulaient leur réalité, découvrir leur tempérament… Ces rencontres ont grandement façonné le scénario. On avait esquissé un synopsis de plusieurs pages, mais nos discussions ont eu un impact sur ce que l’on écrivait.

JBC – Le scénario était vraiment en constante modulation… Lorsqu’on a eu le financement, qui est venu en deux étapes, d’abord le Fonds des Talents de Téléfilm Canada et une subvention de la MRC du Pontiac, ainsi que plusieurs commandites locales. Donc durant le montage de cette structure de financement, les choses ont bougé de manière très organique.

RL – On a pris la décision aussi d’aller vivre là-bas. Pendant l’écriture, la préproduction et la production… on a vécu là au moins trois mois au total.

Est-ce que durant le tournage le récit à continuer à évoluer? Y-a-t-il eu place à l’improvisation?

JBC – Oui… le scénario était très fluide. D’autant plus qu’il y a une grande part documentaire dans le film. Certains jours, on tournait au fil de nos rencontres et de nos intuitions, avec une petite équipe, sans vraiment avoir de scènes préétablies. D’autres journées étaient plus organisées…

JBC – Il y une bonne part d’improvisation dans les dialogues. On voulait se mettre au défi, que tout soit un peu décomplexé, rempli de fraîcheur…

Justement, est-ce que c’est cette fraîcheur qui a guidé le casting?

RL – le casting ça a été toute une expérience! Comme le mentionnait Renaud, on a rencontré beaucoup de jeunes. Parmi eux, on a trouvé Zoé [Audet, NDLR], qui joue Jus- tine, l’amie de Lindsay. Zoé elle a quelque chose de particulier, un naturel désarmant, capable de créer une complicité facilement.

JBC – On a aussi rencontré Pascal Beaulieu, le jeune pécheur, qui lui était fantastique. Il n’avait vraiment de rôle dans le scénario, mais on a décidé de garder quelques scènes de lui, tournées en mode documentaire. Et il est finalement une part importante du film…

Et qui nous rappelle évidemment Pea Soup de Falardeau!

JBC – Quand on l’a rencontré, on a vite décelé son franc-parler. On a voulu le présenter sur un jour un peu plus flatteur…

Autre clin d’œil à la cinématographie québécoise, l’emploi de Barbara Ulrich, l’actrice de Gilles Groulx dans Le chat dans le sac. Comment s’est passée votre rencontre?

JBC – En adoptant cette démarche pour faire notre film, sans penser aux entrées en salle, et sans avoir en tête une approche formelle définie, on se rapproche un peu d’une époque du cinéma québécois. Tous les deux, nous partagions une fascination pour Le chat dans le sac. On a fait des recherches pour savoir si Barbara jouait encore, et on a l’a contacté par Facebook. Elle a lu le scénario pour savoir si ça lui convenait. Elle a rapide- ment accepté la démarche et notre désir de faire ce cinéma-là. Elle s’est identifiée au projet. Depuis, c’est une amie à nous, on est très proche d’elle. On collabore d’ailleurs ensemble sur d’autres projets. Ça a été une magnifique rencontre…

RL – Et pleine d’inspiration aussi!

 

Entrevue réalisée par Charles-Henri Ramond, à Montréal, le 22 mars 2019.

Photos de CTVM.info au Rialto au lancement du film lundi le 1er avril 2019

 

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