Entrevue avec Mitch DAVIS, directeur artistique et codirecteur de la programmation Internationale à FANTASIA
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À l’occasion du 25e anniversaire du Festival Fantasia, CTVM.info vous présente une série d’entretiens avec les piliers de ce festival de films de genre le plus important au monde
L’entrevue avec Mitch Davis est le troisième d’une série de cinq
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CTVM.info – Tout d’abord, nous aimerions que vous partagiez avec nous l’une des premières manifestations de votre cinéphilie, un moment où vous avez réalisé que les films de genre occuperaient une place importante dans votre vie ?
Mitch Davis – Ce long voyage a commencé lorsque mes parents m’ont emmené à Disneyland, plus précisément dans le manège de la Maison hantée, qui m’a époustouflé à tous points de vue. L’imagerie, les sons et l’ambiance, tout ce que j’ai pu expérimenter ce jour-là a changé ma vie. Je n’ai pas pu m’empêcher d’en parler des semaines durant, et j’ai commencé à supplier mes parents de me procurer des bandes dessinées d’horreur, afin de retrouver ce sentiment d’urgence, de l’approfondir et de le vivre de manière plus significative. En même temps, j’ai commencé cette routine obsessionnelle qui consistait à parcourir voracement l’horaire télé hebdomadaire dès que le journal du samedi arrivait, soulignant tout ce qui semblait pouvoir être du domaine de l’horreur.
Vous pouvez imaginer ma déception lorsque j’ai regardé l’émission LES DÉMONS DU MIDI et réalisé que ce n’était pas du tout une émission ‘horrifique’ ! C’était aussi ma première véritable exposition à la télévision et au cinéma français en tant qu’enfant. J’ai vu DRACULA AD 1972 (1972) doublé en français, je l’ai à peine compris, mais j’ai tout aimé. Mon grand-père — qui, heureusement, ne comprenait pas la nature de l’obsession réelle — a convaincu ma mère que la meilleure façon d’aider un enfant à surmonter une fixation est de le laisser se faire plaisir jusqu’à ce qu’il s’en lasse et passe à autre chose. Il m’a alors acheté un projecteur Bell & Howell Super 8 d’occasion (c’était juste avant l’apparition des magnétoscopes, quand la meilleure manière de visionner des films à la maison était ces courtes bobines condensées entre 8 à 16 minutes — des bobines de 200 ou 400 pieds) et ces étonnants découpages de DRACULA (1931) de Browning, FRANKENSTEIN (1931) de Whale, CREATURE FROM THE BLACK LAGOON (1954), THE OMEN (1976), STAR WARS (1977) et, étonnamment, TASTE THE BLOOD OF DRACULA (1970), qui m’avait effrayé au plus haut point à l’époque. Il m’a aussi offert des bobines de Chaplin, Laurel et Hardy, Abbott et Costello pour un juste équilibre des choses, je suppose, et que je les ai adorées aussi. Je projetais ces bobines partout, sur à peu près toutes les surfaces blanches de notre appartement, à tous ceux qui venaient en visite chez nous.
J’ai commencé à acheter le magazine Famous Monsters (et plus tard, Fantastic Films et Fangoria), voulant apprendre tout ce que je pouvais, regardant toutes ces images spectaculaires hors de leur contexte, établissant une liste mentale des films que je devais absolument voir. En un rien de temps, mes visites du week-end avec mon grand-père se sont transformées en chasses à l’horreur, où il m’emmenait dans des magasins de livres d’occasion et m’inscrivait dans différentes bibliothèques — il y en avait une à Ville Mont-Royal qui prêtait des films en Super 8, et c’est là que j’ai trouvé la version intégrale de NOSFERATU (1922) de Murnau sur plusieurs bobines. Incroyable !
Bien sûr, voir des films d’horreur dans un cinéma était plus qu’impossible à cette époque où ces films étaient toujours réservés aux 14 ans ou 18 ans. Des limites d’âge difficiles à respecter, qu’un parent soit avec vous ou non. Mon premier visionnement sur grand écran d’une nouvelle œuvre d’horreur a été lorsque mes grands-parents m’ont emmené à une projection en drive-in de MOONRAKER (1979) en double affiche avec, HERE COME THE TIGERS (1978), une comédie sportive qui n’aurait pas pu m’intéresser davantage. Il faut dire que, des années plus tard, ce film allait devenir une espèce de Saint-Graal, car c’est le film que Sean Cunningham allait réaliser juste avant son notoire FRIDAY THE 13 th. Bref, la comédie sportive jouait à l’écran et je m’ennuyais… Puis, j’ai découvert qu’en regardant par le hublot arrière de la voiture, j’étais capable de voir ce qui était projeté sur l’autre écran du ciné-parc et, c’était ALIEN (1979). J’ai regardé la quasi-totalité du film, avec la bande-son de la comédie sportive juxtaposée à l’image lointaine d’un cauchemar éveillé. J’ai vu la créature exploser littéralement de la poitrine de John Hurt et j’ai cru mourir de bonheur.
Je suis aussi tombé amoureux avec les projections en salles lors d’une projection de SUPERMAN LE FILM de Richard Donner, qui a vraiment changé ma vie. L’énergie dans la salle ne ressemblait à rien à ce que j’avais connu et m’a captivé d’une manière que les mots ne peuvent décrire.
Partager des films a toujours été important pour vous, même lorsque vous étiez enfant. Vous nous parliez de votre projecteur 8 mm. Vous l’avez emporté un jour à l’école pour montrer un film aux autres élèves. Pouvez-vous nous parler de cette charmante anecdote ?
Mitch Davis – Au primaire, en deuxième année, nous avions des séances appelées en anglais « Show & Tell », et naturellement la chose que je voulais montrer et dont je voulais parler plus que tout était la projection d’un film d’horreur ! Mon professeur a d’abord trouvé adorable que je sois capable d’installer et de faire fonctionner un projecteur (il s’agissait d’un lecteur automatique à l’épreuve des idiots) et lorsque je lui ai dit que j’allais montrer ma bobine de FRANKENSTEIN, je pense qu’elle a dû supposer qu’il s’agissait d’un film pour enfants du genre Scooby Doo. La bobine Super 8 s’est ouverte sur la séquence du pillage des tombes de Colin Clive et Dwight Frye, ce qui a commencé à l’inquiéter, mais elle ne voulait pas interrompre mon moment de fierté qui, jusqu’à présent, était très bien accueilli par la classe. L’apparition de Karloff à l’écran a eu un effet bœuf. Mes camarades de classe ont majoritairement flippé. Presque tout le monde a adoré, mais il y a eu aussi des cris et une fille dans la classe s’est mise à pleurer, ce qui a immédiatement incité mon professeur à sauter devant l’image et m’a ordonné d’arrêter le projecteur. C’est en me tenant ainsi au fond de la salle et en regardant les gens réagir au film de tant de manières différentes que j’ai compris à quel point j’aimais montrer des films aux gens.
Le festival a débuté en 1996 et vous avez officiellement rejoint le festival en 1997 ? Parlez-nous de vos premières visites au festival et de ce qui vous a poussé à offrir vos services de programmateur au festival ?
Mitch Davis – Ma première visite a eu lieu le soir même de l’ouverture, pour le film de Corey Yeun et Jet Li, MY FATHER IS A HERO (il ne figure pas dans le guide du programme imprimé). La salle était comble, ce qui déjà m’avait étonné, car les films d’action de Hong Kong à cette époque n’étaient généralement disponibles que sur des cassettes pirates ou des disques laser que l’on ne pouvait trouver qu’au Chinatown. Pour moi, ce genre de film était le genre de truc qu’on se prête confidentiellement entre amis, un peu comme une poignée de main secrète ou un secret bien gardé. Je faisais la queue avec plusieurs amis, dont Karim Hussain, mon colocataire de l’époque et toujours l’un de mes amis les plus chers, et nous étions tous étonnés qu’autant de gens soient venus voir le film. Comment cela est-il possible ? était-ce un rêve de voir tout d’un coup tant de gens s’intéresser à ce genre de film ? Sans parler de l’intensité de l’engagement que nous avons ressenti avec tant de personnes présentes dans la salle. Bien sûr, cela a continué à être comme ça, soir après soir, pendant tout le mois. Mes amis et moi avons acheté le passeport du festival à un prix très généreux qui nous a permis d’assister à toutes les projections, et nous avons effectivement vécu à l’Imperial pendant tout ce mois.
Pierre Corbeil était tellement ravi du succès de la première édition qu’il a décidé non seulement d’en faire un événement annuel, mais aussi d’étendre son champ d’action aux films de genre contemporains du monde entier. La première édition était entièrement composée d’œuvres de Hong Kong et du Japon, et se concentrait principalement sur ce qui était alors la nouvelle vague de Hong Kong — Tsui Hark, Ringo Lam, John Woo, Sammo Hung — qui avait été systématiquement négligée par les autres festivals de cinéma de Montréal, année après année. Pierre a donc décidé d’élargir le champ d’action du festival et nous a engagés, Karim et moi, en tant que codirecteurs de la programmation internationale, afin de couvrir l’ensemble de la programmation des territoires non asiatiques.
C’était un rêve devenu réalité. Je trouvais déprimant de constater que la plupart de mes cinéastes favoris étaient ignorés ou n’avaient aucune identité dans cette partie du monde parce que leurs œuvres n’étaient jamais distribuées ici ou, si elles l’étaient, elles sortaient généralement dans une version abâtardie, recoupée, retitrée, souvent doublée et réenregistrée, au point d’être méconnaissable. Tout d’un coup, j’ai pu faire quelque chose de bien plus important que de prêter des cassettes pirates à des amis ou à des professeurs de cinéma, je pouvais appeler ces gens, voyager, les rencontrer et contribuer activement à façonner les choses pour eux d’une certaine manière. Et savoir qu’il y avait un public enthousiaste qui attendait de les traiter comme les héros qu’ils étaient, avec la presse et les distributeurs dans la salle pour voir ce qui se passait et être influencé par cela. C’était absolument surréaliste !
Le public et son enthousiasme légendaire constituent un élément important de l’équation du festival. Que pouvez-vous nous dire sur le public du festival ?
Mitch Davis – C’est réellement le meilleur public au monde, aussi excessif et chauvin que cela puisse paraître. Il y a une raison pour laquelle tant de cinéastes disent combien ils ont hâte de projeter leur film au public de Fantasia — pas « à Fantasia », mais spécifiquement « au public de Fantasia ». C’est le public qui fait ce festival. Vraiment. Je n’ai jamais senti un tel public ailleurs, même dans les festivals qui organisent des projections devant 2000 personnes. Le public de Fantasia peut ressembler à un concert rock lorsqu’un moment précis du film le justifie, mais vous n’entendrez jamais les gens parler par-dessus les dialogues, et vous ressentirez des réactions palpables qui amplifient toutes sortes de petits moments plus intimes d’une projection. Il y a une sensibilité incroyable à la nuance et cela donne vie aux films ici de la manière la plus gratifiante qui soit. Le public de Fantasia est aussi merveilleusement bienveillant et soutient les cinéastes. Ils ne se présentent pas pour critiquer cyniquement le travail de quelqu’un, comme on le voit parfois ailleurs. Ils aiment sincèrement les films et veulent être exposés à de nouvelles voix qui prennent des risques en faisant des choses différentes. Vous pouvez immédiatement voir comment cela affecte les cinéastes. Pour moi, l’un des aspects les plus gratifiants de la programmation est que l’on peut souvent observer la vie d’un cinéaste changer en temps réel. Un réalisateur qui présente son œuvre en première mondiale ici est souvent visiblement terrifié à l’idée de parler devant une telle foule pendant son introduction. Il s’assoit, vit son film avec le public et revient sur scène pour la séance de questions-réponses, changé, avec un langage corporel visiblement différent, sous les cris et les applaudissements les plus forts qu’il ait jamais entendus. Je peux sentir qu’une grande partie du public est fière de faire partie du voyage d’un cinéaste, et c’est vraiment beau.
Qui plus est, il y a un sentiment général de curiosité et d’ouverture d’esprit qui accueille les films les plus inclassables ou difficiles. Des films que la plupart des autres festivals de genre ne pourraient jamais programmer. Ce qui fait particulièrement rêver, c’est que, bien sûr, toutes ces années plus tard, une grande partie du public d’origine a été supplantée par la génération actuelle, et pourtant, assis dans le noir, à sentir la salle, on jurerait que ce sont exactement les mêmes personnes. D’une certaine manière, les énergies et les sensibilités ont traversé ce quart de siècle.
Qu’est-ce que Fantasia offre aux cinéastes et à l’industrie ?
Mitch Davis – Les acheteurs adorent assister à Fantasia parce qu’ils peuvent constater de visu que les films non conventionnels, qui n’ont pas été conçus à la chaîne, ont en fait des auditoires énormes et réceptifs provenant d’une démographie à laquelle ils ne pensent peut-être pas immédiatement. À Fantasia, il arrive régulièrement que près de mille personnes dans la vingtaine fassent la queue pendant des heures, sous une pluie battante, pour voir un film de la Thaïlande, par exemple, ce qui va à l’encontre des présomptions de nombreux distributeurs nord-américains, selon lesquels les jeunes ne sont pas intéressés à voir des films tournés dans une langue qu’ils ne parlent pas et provenant d’une culture à laquelle ils ne s’identifient pas immédiatement. Cela n’a jamais été vrai. Les spectateurs ont juste besoin d’être informés de l’existence de ces films. Les jeunes cinéphiles veulent vraiment voir des films différents. Les acheteurs ont donc l’occasion de voir des films prendre vie devant un public super engagé et réceptif, et cela leur donne souvent la confiance nécessaire pour tenter d’acquérir des titres atypiques qu’ils auraient peut-être laissés de côté.
L’atmosphère du festival étant axée sur le public (et non sur l’industrie comme c’est souvent le cas), l’ambiance est plus décontractée, moins précipitée et, par conséquent, tout le monde est un peu plus accessible. L’un des plus grands défis a été de maintenir cela — faire de la place pour un grand nombre d’acteurs de l’industrie, tout en veillant à ce qu’ils ne submergent pas les cinémas au point que notre public soit évincé, ce que nous avons vu se produire ailleurs. Nous nous sommes montrés prudents à cet égard et je pense que nous avons trouvé un bon équilibre. La grande majorité des films présentés à Fantasia en première mondiale concluent des accords après leur lancement ici.
Lorsque les cinéastes nous rendent visite, en plus de montrer leur travail à l’un des publics les plus engagés et réceptifs qui soient, ils se retrouvent immédiatement au sein d’une communauté chaleureuse. Tant d’amitiés naissent d’une seule visite ici. Des unions aussi. Les réalisateurs de courts métrages sont traités comme des réalisateurs de longs métrages, invités aux mêmes endroits, présentés à tous ceux qu’ils souhaitent rencontrer. Les représentants de la presse et de l’industrie sont tous là, ils traînent avec tout le monde, et des montagnes de bonnes choses en découlent organiquement pour tous ceux et celles présents. Il n’est pas rare que des cinéastes reviennent les années suivantes sans film, juste pour passer du temps avec le public et l’équipe du festival. Si l’on ajoute à cela la locomotive surpuissante qu’est le Marché Frontières, on réalise que le Festival Fantasia et Montréal sont devenus une destination de choix pour l’industrie du film.
Fantasia a accueilli un grand nombre de réalisateurs, acteurs, écrivains et artisans du 7e art au cours des 25 dernières années ? Pouvez-vous nous parler de certaines rencontres dont vous êtes particulièrement fier ?
Mitch Davis – Ouf, je pourrais remplir un livre avec ça, donc je vais me limiter à quelques-uns.
Le plus important reste Ken Russell, dont l’œuvre m’a transformé pendant mon adolescence et ma vingtaine. Pouvoir le faire venir à Montréal, passer du temps avec lui et sa merveilleuse épouse Lisi et voir THE DEVILS (1971) prendre vie devant un public plus jeune qui découvrait en grande partie ce film longtemps ignoré (j’ai demandé à main levé avant la projection combien de gens allaient découvrir le film pour la première fois — c’était plus de la moitié de la salle comble de 700 places) était tout simplement incroyable. Il a été applaudi à tout rompre et a reçu une ovation qui a duré plusieurs minutes.
Andrzej Zulawski, que je n’aurais jamais osé rêver rencontrer. On m’avait prévenu qu’il pouvait être capricieux et lunatique, mais l’homme qui nous a rendu visite n’aurait pas pu être plus gentil, ni plus heureux, d’ailleurs. Il était si chaleureux avec tout le monde, posait pour toutes les photos avec tous ceux qui se précipitaient vers lui et adorait parler avec de jeunes cinéphiles, qu’ils soient punks, goths ou straights. Il était si incroyablement cool et reconnaissant pour tout. Je l’aime, tout simplement. J’ai fait le ringard et lui ai demandé de signer mon poster géant français de POSSESSION et il a écrit le plus beau des messages. “To The Great Mitch, with love and respect.” Andrzej Zulawski VII 2013
J’ai aussi fait venir José Mojica Marins à Montréal à deux reprises et chacune de ces rencontres a été incroyablement merveilleuse. C’était un artiste tellement amusant et enjoué, un véritable original dans tous les sens du terme. Nous l’avons emmené dans toute la ville, y compris à l’ancien Mélange Magique (qu’il trouvait effrayant !). Une chose est vite devenue flagrante, il adorait la poutine ! Lors de sa deuxième visite, nous lui avons remis un prix pour l’ensemble de sa carrière et j’ai fait en sorte qu’il soit transporté sur scène dans un cercueil, le public l’adorait.
Il y a eu tellement de moments incroyables. Je n’en reviens pas de prendre un tel recul et de penser aux personnes que nous avons invitées à Fantasia au fil des ans. Abel Ferrara, Kiyoshi Kurosawa à qui nous avons offert un gâteau d’anniversaire sur scène. Mais je me souviens avec aussi avec émotion de Stuart Gordon, Ray Harryhausen, Takashi Miike, Nicolas Winding Refn, John Carpenter, Satoshi Kon, Jean Rollin, Tobe Hooper, Jennifer Lynch, HG Lewis, Joe Dante, Paul Naschy, John Landis, Guillermo del Toro, Jörg Buttgereit. J’ai d’autres anecdotes que je chéris avec des invités comme Udo Kier et Sion Sono. Tant de gens incroyables. Robin Hardy, le réalisateur, scénariste et romancier a même passé un après-midi chez moi avec sa famille !
Pourriez-vous revenir sur certains des films qui ont vraiment eu un impact sur la programmation du festival ces dernières années ?
Mitch Davis – Ces dernières années, deux des films qui ont eu le plus d’impact ont probablement été la première nord-américaine de TRAIN TO BUSAN (2016) et la première mondiale de UNFRIENDED, que nous avons joué sous son ancien titre CYBERNATURAL (2014). Cette projection a permis de faire connaître les histoires de Screenlife au monde entier et a abouti à l’achat du film par Universal. Nous avons présenté en première mondiale le premier film d’Adam Wingard, HOME SICK (2007), alors qu’il n’avait que 19 ans. Son film le plus récent est GODZILLA VS KONG (2021). Nous avons présenté en première mondiale le tout premier long métrage de Satoshi Kon, PERFECT BLUE (1997). Nous sommes largement cités comme le lieu où le J-Horror a débuté en Occident, Dreamworks ayant acheté les droits de RING (2002) littéralement après l’une de nos projections. Nous avons été le premier festival à montrer le travail de Takashi Miike en occident, nous étions aussi parmi ceux qui étaient là au début de la carrière de James Gunn, Mike Flanagan, Yeon Sang-ho, Jim Mickle et Kim Jee-woon. Bien sûr, tout ce qui concerne RKSS reste une grande fierté pour nous tous. C’est tellement fantastique de les voir s’épanouir au fil des ans. Jeunes adultes, ils fréquentaient le festival et y présentaient des courts métrages. Regardez où ils sont rendus aujourd’hui de l’autre côté de l’écran.
Selon vous, qu’est-ce qui a le plus changé dans votre travail de programmeur au cours des 25 dernières années ?
Mitch Davis – La rapidité de la distribution des films, l’éventail des acquisitions, l’essor d’Internet et le nombre impressionnant de festivals de films de genre qui existent aujourd’hui sont les principaux facteurs qui ont changé le paysage au cours des 25 dernières années. Je commencerai par le dernier point. Dans les premières années de Fantasia, il y avait très peu de festivals de films de genre dans le monde. Sitges et Bruxelles étaient des titans, et le sont toujours, le festival d’Avoriaz n’était plus des nôtres. Ces festivals étaient rares et aucun d’entre-eux ne durait un mois d’affilée comme nous le faisions. Pour cette raison, les gens venaient de partout et réservaient des semaines d’hôtel, et plusieurs restaient à Montréal tout le mois. Le sens de la communauté que nous avions ici était profond. Il l’est toujours, mais aujourd’hui, presque toutes les villes ont au moins un festival de films de genre. L’Internet n’en était qu’à ses balbutiements dans les premières années du festival et, bien entendu, les plateformes de diffusion en continu étaient inimaginables. Nous sommes nés à la fin de l’ère du VHS.
Pourriez-vous citer quelques films ou événements que vous avez hâte de voir, de découvrir ou de partager dans l’édition du 25e anniversaire de Fantasia ?
Mitch Davis – Ce qui est tragique cette année, bien sûr, c’est que nous ne pourrons pas vivre les joies du partage de tous les films en personne avec notre public, mais nous sommes très fiers de la programmation que nous avons déployée cette année. Nous rendons hommage à Phil Tippett, Shunji Iwai et Stephen Seyadian, présentons des tas de panels Zoom gratuits avec toutes sortes de personnes incroyables que nous organisons en partie pour permettre à notre grande communauté vivant à l’étranger de profiter tout de même du festival, car nos projections de films en ligne sont toutes géo-bloquées au Canada.
Nous avons prévu de belles surprises pour Fantasia25. En haut de ma liste se trouve la brillante, brillante, brillante comédie expérimentale belge HOTEL POSEIDON, un film qui déborde d’imagination grotesque et profite d’une conception visuelle/auditive proprement hallucinante. Il évoque les œuvres peintes de Lynch, avec des éléments de Jeunet-Carro et des frères Quay. Ce film est un cas à part, réalisé avec une pureté de vision que l’on voit très rarement. Le réalisateur Stef Lernous va devenir un phénomène ‘énorme’.
Du Royaume-Uni, BULL est un film à voir absolument. Il s’agit d’un thriller de vengeance dur à cuire britannique du réalisateur Paul Andrew Williams (THE EICHMANN SHOW), lauréat du BAFTA, avec Neil Maskell (KILL LIST) et David Hayman (SID AND NANCY). Réalisé de manière inventive, magnifiquement interprété et d’une violence étonnante, ce film est destiné à devenir culte et sera certainement l’une des révélations les plus marquantes de notre programmation de 2021.
Nous avons la première mondiale du thriller politique sud-coréen THE DEVIL’S DEAL, le nouveau film de Lee Won-tae, dont la dernière œuvre, THE GANGSTER, THE COP, THE DEVIL a été lancée à Cannes avant d’être présentée ici et de remporter deux prix.
J’aime beaucoup HELLBENDER, un drame occulte très individualiste sur le passage à l’âge adulte, réalisé par Toby Poser, Zelda Adams et John Adams, la famille de cinéastes indépendants américains à l’origine de notre succès de 2019, THE DEEPER YOU DIG.
En provenance d’Espagne, ALL THE MOONS d’Igor Legarreta est un drame vampirique phénoménal et poétique qui suit une enfant non-morte alors que le monde évolue autour d’elle à travers des décennies d’existence. Un film remarquable.
Du Canada, THE RIGHTEOUS est un film à combustion lente, le premier film de l’acteur Mark O’Brien (CITY ON A HILL, READY OR NOT, ARRIVAL, MARRIAGE STORY). Aussi du Canada, WOODLANDS DARK AND DAYS BEWITCHED, réalisé par Kier-la Janisse est un examen définitif et novateur de l’horreur populaire qui dure plus de trois heures et vous laisse sur votre faim.
Directement d’Uruguay, nous arrive GHOSTING GLORIA, une comédie surnaturelle sexuellement positive du couple de réalisateurs Marcela Matta et Mauro Sarser (LOS MODERNOS), dans laquelle une femme d’une trentaine d’années qui n’a jamais eu d’orgasme trouve libération et émancipation à travers une mystérieuse relation avec un fantôme. C’est délicieusement subversif et aussi charmant qu’inattendu.
Deux films américains qui m’ont particulièrement impressionné récemment sont ULTRASOUND de Rob Schroeder et CATCH THE FAIR ONE de Josef Kubota Wladyka.
Nous avons également non pas une, mais DEUX premières mondiales d’Afrique du Sud, INDEMNITY de Travis Taute et GLASSHOUSE de Kelsey Egan.
L’une de nos rares projections en salle cet été est un film que j’ai particulièrement hâte de voir en compagnie de notre public : le summum d’horreur taïwanais THE SADNESS. Il s’agit du film le plus transgressif que j’aie vu depuis longtemps, un film qui agresse et choque véritablement le public. Le réalisateur Rob Jabbaz, un cinéaste canadien qui travaille à Taïwan depuis dix ans m’a écrit pour me dire que c’était son expérience lors d’une projection de EBOLA SYNDROME (1996) à Fantasia à l’époque qui l’avait largement inspiré à faire ce film ! Il viendra à Montréal directement après la présentation de son film à Locarno pour présenter sa projection à l’Impérial. Il y en a tellement d’autres qui méritent d’être soulignés. Ces quelques suggestions ne font qu’effleurer la surface.
Que représente FANTASIA pour vous aujourd’hui, après 25 ans d’histoire ?
Mitch Davis – Après toutes ces années, Fantasia reste un lieu de partage d’expériences électrisantes. Un miracle de lancement de carrière et de changement de culture. Un lieu de découverte, où les risques sont récompensés tant pour les cinéastes que pour le public. Un lieu d’amour et de folie, de passion et de communauté, où les rêves des cinéphiles sont amplifiés pour devenir certaines des grandes expériences sur grand écran de ce côté du paradis.