Entrevue avec Paul Landriau, Directeur de la programmation au Festival de cinéma de la ville de québec

Entrevue avec Paul Landriau, Directeur de la programmation au Festival de cinéma de la ville de Québec (FCVQ) à l’occasion de la 12 e édition du festival qui se tient du 13 au 17 septembre dans la Capitale Nationale

Propos recueillis par Marc Lamothe

Paul Landriau est Directeur de la programmation au Festival de cinéma de la ville de Québec (FCVQ), poste qu’il occupe pour la deuxième année déjà. La programmation de son festival regorge de films québécois, de documentaires fascinants et de premières irrésistibles, sans compter un bon nombre de courts métrages locaux, de projections extérieures et autres
activités. Pour en savoir un peu plus sur cette cohorte 2023, nous nous sommes entretenues avec lui.

Propos recueillis par Marc Lamothe

CTVM.Info — Vous êtes de retour à titre de Directeur de la programmation pour une nouvelle édition ? Quels sont vos visées et vos objectifs cette année ? 

Paul Landriau — Cette année il y a l’idée de continuer sur la bonne lancée de l’an dernier et surprendre le public avec des projections excitantes. La dernière année a été assez historique pour les productions de la Ville de Québec entre Farador, Katak et Dounia, de même que les tournages et films qui ont pris place à Québec (on pense à Arlette ou 23 décembre), donc notre programmation se veut aussi le reflet de ça. Les films internationaux, les documentaires, le ciné- concert et les projections extérieures gratuites sur la Place d’Youville sont de retour, donc cette édition est beaucoup plus riche et chargée que celle de 2022.

CTVM.Info — De combien de membres se compose votre équipe de programmation et comment travaillez-vous en équipe ?

Paul Landriau — Ma très chère collègue Eve Sohier Dubois fait revivre le volet Campus cette année (notre section professionnelle dédiée à la relève) et m’a accompagné dans le choix des films. Notre nouveau directeur Hugo Latulippe prend bien sûr une part active au niveau de la programmation et plusieurs séances sont le fruit de ses idées. Nous avons la chance aussi de compter sur un comité de présélection investi et nous laissons quelques cartes blanches à des organismes et festivals amis.

CTVM.Info — Quels sont les changements de vocation du FCVQ depuis le départ de Martin Genois et l’arrivée d’Hugo Latulippe ?

Paul Landriau — Martin est quelqu’un de très sensible, très curieux, qui aime rire, mais qui a aussi un côté très ambitieux et possède un sens du showmanship hors du commun. Il travaille d’ailleurs maintenant pour le Cirque du Soleil. Hugo est un artiste touche-à-tout, fondamentalement engagé, poétique, toujours de bonne humeur, qui aime que les choses se
passent. Il tient absolument à marier culture, excellence et politique, et notre récent engagement à long terme envers la neutralité carbone est un reflet de ses convictions. C’est lui aussi qui a eu l’idée de rendre hommage à Jean-Marc Vallée en inaugurant notamment le Prix du Public Jean-Marc-Vallée. Au final, nous restons un festival de cinéma !

CTVM.Info — Votre programmation se divise en trois grands axes, La section « ÉCLAT », la section « ÉTOILE et la section « ILLUMINATION ». Parlez-nous un peu de ce qui les distingue et d’une ou deux œuvres inspirantes dans chacune de ses sections !

Paul Landriau — Les axes sont pour nous une façon de diriger le public vers différentes expériences de cinéma, selon les envies de chacun. ÉCLAT se veut le côté festif, ludique du festival avec des séances telles que la projection de Grease en formule karaoké ou bien le 30 e  anniversaire du film Robin des Bois : Héros en collants du légendaire Mel Brooks. Les séances ÉTOILES sont les valeurs sûres du festival, les grandes premières et les grandes rencontres. SOLO, Simple comme Sylvain, Testament, etc. Puis, la section ILLUMINATION est pour ceux qui en veulent plus ! Les curieux, les cinéphiles, les festivaliers qui souhaitent découvrir des pépites. On y célèbre par exemple Satyajit Ray avec The Hero ou on assiste à une séance de courts-métrages tel que notre programme Capitalisme numérique consacré aux dérives de notre économie de petits boulots (gig economy).

CTVM.Info — Vous ouvrez le festival avec SOLO de Sophie Dupuis et fermez avec deux événements majeurs, les nouveaux films de Denys Arcand et Monia Chokri ? Parlez-nous un peu de ces choix ?

Paul Landriau — Disons que faire ce genre de choix est facile quand les films sont aussi forts ! C’est vraiment tout un privilège de pouvoir présenter ces trois magnifiques films à Québec, en primeur, en présence des équipes de films. Nos grandes séances Étoile au Diamant sont souvent celles dont j’entends le plus parler. SOLO est un nouveau film puissant et flamboyant de Sophie Dupuis, avec un nouveau rôle magnifique pour Théodore Pellerin. C’est un film sur l’art, l’amitié, l’amour, bref, sur la vie ! On en sort complètement galvanisé. Simple comme Sylvain lui est un film romantique et drôle, précis et audacieux, qui confirme la place de Monia Chokri parmi nos actrices/scénaristes/réalisatrices les plus talentueuses. On ne s’étonne nullement de sa présence à Cannes. C’est en quelque sorte le parfait film d’automne, qui va sans doute devenir un incontournable de notre cinématographie. Testament de Denys Arcand est une nouvelle réflexion sur l’importance de l’art dans notre société, sur la définition de l’identité québécoise et sur la cohabitation possible entre citoyens. C’est un puissant plaidoyer envers la communication, l’ouverture et, tout simplement, une ode à la beauté du quotidien. Nous sommes honorés de recevoir le nouveau film de ce légendaire cinéaste.

CTVM.Info — Parlez-nous un peu de vos attentes de la rencontre avec l’auteure et actrice Christine Beaulieu ?

Paul Landriau — C’est une personne inspirante et remarquable qui a marqué le Québec avec le projet J’aime Hydro, en plus de tous ses rôles mémorables. Elle joue d’ailleurs dans notre magnifique film de clôture Simple comme Sylvain un personnage très coloré ! Je crois que la rencontre entre Christine Beaulieu et notre directeur général Hugo Latulippe va venir boucler la boucle, car après tout, c’est une rencontre avec Hugo il y a une dizaine d’années qui est en quelque sorte à l’origine de son projet J’aime Hydro comme elle l’explique au début de sa pièce. Il y aura des idées, de l’espoir, des questions, de l’émotion. J’ai bien hâte de voir ça !

CTVM.Info — Vous avez à nouveau programmé cette année un événement nommé Kino Québec vs Kino Montréal. Parlez-nous un peu de ce nouveau combat ?

Paul Landriau — Ce fut une de nos plus belles soirées l’an dernier et on voulait poursuivre cette nouvelle tradition. L’idée qui se cache derrière ce faux duel est de permettre aux communautés de se rencontrer, de réseauter, en plus de montrer au public quelques-uns des films marquants des deux cellules. On a une belle cohorte de Montréal qui sera sur place. Le mouvement KINO a toujours été un laboratoire flexible et emballant pour les cinéastes et c’est important pour nous de le souligner.

CTVM.Info — Parlons courts métrages. Vous avez des programmes aux noms évocateurs. Certains évoquant des grands enjeux comme le territoire ou le climat et d’autres carrément comique ou plongeant dans l’expérimentation… Est-ce que le court prend plus de place maintenant ? Quelques titres or artistes forts à surveiller ?

Paul Landriau — Le court-métrage a historiquement toujours été très important au FCVQ, et il me fait plaisir de poursuivre une tradition en plaçant, lorsque cela a du sens, un court, souvent québécois, avant un long-métrage. Avant la première nord-américaine de la mordante websérie Symphonie pathétique créée par Lysandre Ménard et Daphnée Côté-Hallé et réalisée par Alec Pronovost, nous présentons l’hilarant Fortissimo de Victor Cesca, qui sera d’ailleurs sur place. Plus globalement, nous présentons également des programmes thématiques comme tu le mentionnais. J’ai toujours aimé le court et je le défendrai toujours, de la même façon que j’aime également le long. Je ne crois pas que les deux formes soient si éloignées ; un mélomane peut autant apprécier un EP qu’on album studio après tout. Il y a tellement de courts incroyables qui se font partout dans le monde, et évidemment l’écosystème québécois est très fort sur ce terrain pour toutes sortes de raison. Parmi les trucs à surveiller, je crois que le focus sur Jean-François Leblanc va être quelque chose de marquant, ses films sont si puissants et insidieux, ils vous restent en tête bien après le visionnement. Le programme Bobines en folie, que j’ai monté par suite d’un absolu coup de cœur pour un court expérimental, Man Made, qui remix des scènes de cinéma classique, propose une séance fascinante où des cinéastes utilisent des archives de films comme matériel de base. Sinon, Cherry de Laurence Gagné-Frégeau m’a complètement chamboulé. Un hommage sensible qui nous confronte à la fragilité de la vie. Je pourrais continuer longtemps à tous les nommer ! (rires)

CTVM.Info — Vous avez de nombreux documentaires. Est-ce une volonté de votre part d’élargir cette section ou un simple hasard des films soumis ? Voyez-vous une fenêtre spéciale à Québec pour ce type de programmation ?

Paul Landriau — Un peu des deux. C’est sûr que la forme nous tient à cœur, et avec l’arrivée de Hugo à la tête de l’organisme, le documentaire va prendre une place de choix au sein du festival. Mais pour nous, un bon film c’est un bon film, qu’il soit documentaire ou fiction, ou hybride, ou inclassable. Un film comme 7 paysages de Robert Morin par exemple est un objet cinématographique très stimulant intellectuellement, que l’on pourrait qualifier de documentaire, ou d’expérience, voire de récit de fiction. C’est après tout un artiste qui a toujours été fasciné par le brouillement des pistes. Le documentaire permet également de réfléchir à notre monde, à ouvrir des pistes de dialogue, ou simplement à émerveiller. Le documentaire, c’est du cinéma, tout simplement. Il y a de très bons documentaires produits à Québec, notamment la trilogie louisianaise du trio Guillaume Fournier, Samuel Matteau et Yannick Nolin.

CTVM.Info — Vous célébrez le retour des projections et événements extérieurs. Parlez-nous un peu de ce volet et d’une ou deux activités qui vous tiennent à cœur dans cette section ?

Paul Landriau — Le volet extérieur et gratuit sur la Place d’Youville a toujours été un élément signature du festival et c’est avec grande joie que nous le ramenons cette année. Durant les cinq jours du festival, c’est une trentaine de séances et activités qui y seront présentées, dont plusieurs films issus de notre grand cycle musical consacré aux liens entre cinéma et musique. L’occasion de vivre Grease en formule karaoké, de voir ou revoir Farador, de découvrir les coulisses du Carnaval dans le documentaire Le Soleil a pas d’chance produit dans les années 70 ou de venir vivre l’expérience sensorielle immersive que propose Koyaanisqatsi.

CTVM.Info — Quel film québécois ou événement local avez-vous le plus hâte de partager avec le public de Québec ?

Paul Landriau — Il y en a plusieurs, mais je suis impatient de présenter Les jours de Geneviève Dulude-De Celles, qui témoigne du parcours admirable de Marie-Philip, une jeune femme qui apprend qu’elle a le cancer du sein à 1 semaine de son 29 e  anniversaire. C’est un exemple de courage et d’optimisme, en même temps que c’est un documentaire magnifié conçu et monté.

CTVM.Info — Quel film International avez-vous le plus hâte de partager avec le public de Québec ?

Paul Landriau — Je crois que le film Sister & Sister, premier long de Kattia G. Zúñiga, en surprendra plus d’un. C’est une histoire classique d’émancipation, les premiers amours, la musique, l’expérimentation, la douce insouciance de l’adolescence, le flottement, la drogue, sauf qu’il y a une authenticité certaine avec notamment un groupe d’acteurs magnifiquement dirigé ainsi qu’une texture et une saveur costaricaines et panaméennes qui donne envie de flâner l’été sans but précis.

CTVM.Info — À titre de père de famille, quel film ou événement pour la famille vous tient particulièrement à cœur ?

Ma fille est encore un peu jeune pour assister à des séances complètes, mais je pense qu’elle va être très excité par le Buffet à volonté de céréales et de petits bonhommes du dimanche matin, présenté par Desjardins. On parle d’une séance ludique et nostalgique avec vieilles publicités, émissions jeunesse et artéfacts de notre enfance. Avec des céréales à volonté, gratuitement ! On invite d’ailleurs les familles à venir en pyjama !

CTVM.Info — Si vous pouviez prendre un café avec un personnage d’un des documentaires présentés cette année, qui serait-ce et pourquoi ?

Paul Landriau — Ça serait définitivement avec Bonnie Timmermann (le film Bonnie de Simon Wallon), la légendaire directrice de casting qui a travaillé avec les plus grands cinéastes américains (Michael Mann, Brian De Palma, Michael Bay, Ridley Scott, Tony Scott) et lancé certaines des plus grandes icônes du cinéma (Steve Buscemi, Benicio Del Toro, Natalie Portman, Liam Neeson, Laurence Fishburn, Mark Ruffalo) pour l’entendre me raconter des anecdotes.

 

CTVM.Info — Si vous pouviez prendre une bière avec un personnage d’un des films de fiction présenté cette année, qui serait-ce et pourquoi ?

Paul Landriau — J’irais avec les deux cowboys de la comédie Halfway to Amarillo. Je suis sûr qu’on aurait beaucoup de plaisir ! (rires)

CTVM.Info — Si vous pouviez souper avec n’importe quel réalisateur vivant, qui serait-ce et pourquoi ?

Paul Landriau — Je dirais… Werner Herzog. Il a accompli des trucs tellement incroyables et il je trouve qu’il possède une verve inimitable et magique. Ça serait sûrement un repas inoubliable.

 

 

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