FANTASIA entre dans la légende à l’occasion de son 25e anniversaire !
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LES 25 ANS DE FANTASIA
Pour souligner ce 25e anniversaire, la Quotidienne de CTVM.info vous présente une série d’entretiens avec les piliers de ce grand festival de films de genre, le plus important au monde
Notre première entrevue d’une série de cinq est consacrée à Pierre Corbeil, Président et fondateur du festival Fantasia
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CTVM.info —La légende veut que FANTASIA soit né dans un club vidéo et qu’une partie du personnel de ce club s’est avéré devenir une partie de l’équipe initiale de collaborateurs des éditions du festival ?
Pierre Corbeil — Fantasia est né d’une passion commune de trois amis pour le cinéma de genre, soit André Dubois, Martin Sauvageau et moi. Cette passion remonte à notre tendre enfance. C’est grâce à cet intérêt commun que nous nous sommes rencontrés dès 1984. J’ai co-fondé en 1987 Santo Vidéo, situé sur le boulevard Lapinière à Brossard. Le cinéma de genre international était l’une de nos spécialités. On aimait déjà l’idée de pouvoir dégoter des cassettes vidéo que les autres clubs n’avaient pas. Nous partions souvent en expédition aux États-Unis pour découvrir des titres rares ou non disponibles via les distributeurs canadiens. Martin et André ont travaillé avec moi au club où nous avons aussi fait la connaissance de plusieurs autres amoureux de cinéma de genre qui allaient éventuellement devenir des amis et des collaborateurs du festival. En 1990, mes associés et moi vendons le club pour mieux financer notre autre entreprise, Vision Globale. À ses débuts, Vision Globale était une entreprise de services de duplication de cassettes vidéo. Elle est devenue, au cours des années, la plus grande société de services techniques pour l’industrie du cinéma et de la télévision au Québec.
Quelle était l’intention derrière la première édition du festival Fantasia en 1996 ? Saviez-vous déjà que ça serait une rencontre annuelle ?
Pierre Corbeil — L’idée au départ était de faire une rétrospective du cinéma de genre de Hong-Kong, de la période 1985-1995, et d’ajouter une sélection de longs métrages japonais, d’où le nom choisi de Fantasia, un mélange des mots ‘Fantastique et Asie’. Nous avions espoir d’en faire un évènement annuel, mais tout allait évidemment dépendre de l’accueil du public montréalais. Le succès populaire fut au-delà de nos espérances avec plus de 55 000 spectateurs, alors que notre objectif initial était de vendre 25 000 billets.
Dès la deuxième édition, le festival devient international et embrasse plusieurs styles cinématographiques. Vous adoptez alors la signature de festival de films de genre. Qu’est-ce que le cinéma de genre pour vous ?
Pierre Corbeil — Après le succès de la première édition, il n’était pas question de continuer à ne présenter que des films exclusivement asiatiques. Notre intérêt pour le cinéma était international et pour tous les types de films. Le cinéma de genre, pour moi, c’est le ‘cinéma de l’imaginaire ‘où l’on ne se limite pas à créer une histoire «réaliste». C’est donc une définition très large à mes yeux. Évidemment, nous privilégions à Fantasia des films qu’on pourrait qualifier de fantastique, mais nous sommes ouverts à présenter des œuvres dramatiques, des films d’auteur, des trucs plus expérimentaux, des comédies ou des documentaires. Nous avons présenté des films qui ont par la suite été nommés aux Oscars ou en compétition dans de grands festivals tels que, Cannes ou Venise. Notre critère de sélection de base était la conviction que le film plaira au public du festival.
Fantasia a reçu au cours des 25 dernières un grand nombre de réalisateurs, d’acteurs, d’auteurs et d’artisans du septième art ? Pourriez-vous revenir sur quelques rencontres dont vous êtes particulièrement fier ?
Pierre Corbeil — John Carpenter en 1998 pour moi s’impose comme notre premier invité réellement marquant. D’autres ont suivi, je pense à Ray Harryhausen, Mark Hamill, John Landis, Ken Russell, Kevin Bacon, James Gunn, Takashi Miike, les frères Sadfie accompagnés de Robert Pattinson, Guillermo Del Toro et bien d’autres.
Mon souvenir le plus marquant reste la première mondiale de BON COP BAD COP, en 2006, avec comme invités le réalisateur Érik Canuel et Patrick Huard, acteur principal et scénariste du film. La réaction du public du festival, qui est déjà célèbre pour son enthousiasme, était réellement survoltée ce soir-là. Je revois Érik et Patrick, après la projection, arrivant sur la scène émus et ébahis de voir la réaction que leur avait réservée notre public.
Quel a été l’impact et ensuite l’influence de FANTASIA sur l’industrie internationale ?
Pierre Corbeil — Le succès des premières éditions de Fantasia a, entre autres, encouragé plusieurs individus et organisations à créer de nouveaux évènements du même type.
Par exemple, Tim League le fondateur de la chaîne de cinéma américaine Drafthouse et co-propriétaire de la firme de distribution Neon, venait régulièrement à notre festival lors de ses premières éditions. Il crédite d’ailleurs Fantasia de l’avoir inspiré à créer le Fantastic Fest, à Austin au Texas. Ce festival est devenu le plus important festival de films de genre aux États-Unis.
Pour ce qui est de l’international, je crois que notre plus grande influence se reflète surtout par la création de plusieurs rendez-vous professionnels dans le cadre de festivals de films de genre, inspirer par le succès de notre marché de co-production Frontières, que nous produisons en association avec le Marché du film de Cannes depuis 2016.
Aux yeux de plusieurs observateurs, FANTASIA est une histoire de détermination puisque le festival n’a reçu sa première aide financière d’une institution qu’en 2006, soit pour son dixième anniversaire. Que peut-on dire aujourd’hui sur le financement du festival et croyez-vous que le festival devrait recevoir davantage d’aide des institutions ?
Pierre Corbeil — À ses débuts, le festival a été en mesure d’exister financièrement essentiellement grâce aux revenus de billetterie, de commandites, ainsi qu’a des contributions financières de ma part et de l’entreprise Vision Globale, dont j’étais co-propriétaire. À partir de 2006, Fantasia a commencé à recevoir de modestes subventions des institutions. Celles-ci ont graduellement augmenté, au fil des années, pour maintenant atteindre un niveau appréciable. Pour l’avenir, nous espérons que notre évènement recevra un soutien à la hauteur de ses réalisations et de son potentiel de développement.
Fantasia s’impose aujourd’hui dans les médias spécialisés internationaux avec son marché Frontières, une plateforme de réseautage pour les professionnels de l’industrie du film de genre qui envisagent une coproduction entre notamment l’Europe et l’Amérique. Parlez-nous un peu de ce marché qui se tient à Montréal chaque été et de sa présence au festival de films de Cannes ?
Pierre Corbeil — Nous avons créé Frontières en 2011 pour favoriser la production de films de genre dans le cadre de coproduction, pour permettre à de jeunes réalisateurs de trouver des partenaires et ainsi avoir les moyens de leurs ambitions. Bien que la première édition de Fontières a été produite sans aide des institutions, dès la deuxième année, nous avons reçu une importante subvention d’un organisme européen, Media, ainsi que de la SODEC et Téléfilm Canada. Nous avons produit par la suite, en plus du volet montréalais à Fantasia, un volet européen en association avec le festival fantastique de Bruxelles, durant trois années. Nous avons ensuite et depuis produit des éditions, en association avec le Marché du film de Cannes ainsi qu’aux Pays-Bas et en Suède.
Frontières est maintenant reconnu comme le plus important marché de co-production de films de genre au monde. Je tiens à citer des exemples de projets qui ont transité par Frontières, dont les films québécois TURBO KID, LES AFFAMÉS, ainsi que notre film d’ouverture de cette année, BRAIN FREEZE. Je pense aussi au premier film de Julia Ducournau, GRAVE (RAW) développé dans le cadre de notre marché. Ce film, une fois réalisé, a été présenté au Festival de Cannes, en 2016.
Julia Ducournau vient tout juste de se voir décerner la Palme d’or à Cannes pour son deuxième film TITANE.
Comment le festival a-t-il réussi à s’adapter dans le contexte de la pandémie ?
Pierre Corbeil — L’an dernier nous avons produit une édition entièrement virtuelle avec plus de 100 longs métrages et plusieurs programmes de courts ainsi que des évènements spéciaux. Nous avons été reconnus comme un des premiers festivals au monde à offrir une programmation d’une telle ampleur. Le festival a reçu une attention médiatique record pour l’événement, avec une couverture par plus de 500 journalistes. Plusieurs films ont été présentés en première mondiale et achetés par des distributeurs internationaux.
Cette année, nous allons présenter une sélection de films encore plus importante sur notre plateforme et celle-ci sera de nouveau disponible à travers le Canada. De plus, nous présenterons plusieurs films au Cinéma Impérial ainsi qu’au Cinéma du Musée. J’en profite pour remercier nos institutions et gouvernements du soutien apporté, entre autres, aux événements culturels durant cette pandémie. Ce soutien, dans les conditions difficiles que nous connaissons, nous a grandement encouragés à poursuivre notre progression.
Que représente FANTASIA aujourd’hui après 25 ans d’histoire ?
Pierre Corbeil — Fantasia a débuté avec une petite équipe animée par la détermination d’offrir à une communauté de cinéphiles une programmation de films qui nous faisait ‘tripper’ et qu’on avait envie de partager. Vingt cinq ans plus tard, l’équipe s’est grandement agrandie, mais elle possède la même fougue et passion pour cette communauté qui, elle aussi, a pris beaucoup d’expansion. L’essence de ce qui nous anime reste intact après 25 ans et nous espérons continuer de travailler en collaboration avec des collègues et un public extraordinaire pour encore de nombreuses éditions.
Cette entrevue a paru dans le #6811 de LA QUODIENNE de CTVM.info, datée du mercredi 4 août 2021