
Fonds des médias du Canada – Enseignants cherchent documentaires à présenter en classe
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Catégorie(s) : Actualités — CINÉMA
Enseignants cherchent documentaires à présenter en classe
En principe, présenter des documentaires en classe est une idée pleine de vertus : ça permet d’enrichir le parcours scolaire des étudiants avec des contenus culturels d’ici tout en formant le public de demain. Dans la pratique, le personnel enseignant est confronté à des enjeux d’accessibilité.
Un article de Philippe Jean Poirier
Avec ses 148 documentaires accompagnés d’une trousse d’enseignement et ses 1000 visionnements organisés en 2024 dans des écoles partout au Canada, Jack Blum, directeur général de l’organisme Reel Canada, n’est pas peu fier du travail accompli par son équipe, dont la mission est de faire rayonner les films canadiens en milieu scolaire. « Nous avons atteint des résultats de loin meilleurs que ce que nous avions imaginé au départ. » Pourtant, Jack Blum décrit l’exercice comme étant très « laborieux ».
Premier défi : choisir les documentaires à présenter tout en gardant en tête leur apport pédagogique et le contexte culturel dans lequel ils sont présentés. « Les films doivent être appropriés pour les écoles. Les critères varient à travers le pays en fonction des enseignants ou des directeurs d’école. Ça varie entre les communautés urbaines et rurales, et particulièrement entre le Québec et le Canada anglais. »
C’est pourquoi l’équipe de programmation de Reel Canada fait des visionnements tests avec des professeurs et des étudiants.
Cherche et trouve
L’autre enjeu important est celui de la découvrabilité, soit le potentiel pour un contenu disponible en ligne d’être aisément découvert par les internautes, notamment par une personne qui n’en faisait pas précisément la recherche.
Au Canada, il n’y a pas de plateforme centralisée pour aiguiller les professeurs dans leur recherche de films documentaires. Ceux-ci doivent naviguer par eux-mêmes sur la demi-douzaine de plateformes éducatives existantes.
Aux côtés du programme Éducation de Reel Canada, on retrouve Éducation ONF de l’Office national du film, Curio de Radio-Canada et Télé-Québec en classe (au Québec). De plus, Docs For Schools du festival Hot Docs reprendra du service en 2025.
« Le système d’éducation canadien est extrêmement compliqué, insiste Jack Blum. Il n’y a pas d’organisation centralisée. Chaque école et chaque conseil d’établissement prend ses propres décisions. Ça ne serait pas une mauvaise idée d’avoir une stratégie nationale pour l’éducation. Tout particulièrement en ce moment, alors que le climat politique avec les États-Unis démontre que nous devons renforcer les idées nationales si nous voulons protéger notre souveraineté. »
Le Québec en mode solution
En attendant une stratégie nationale, un organisme québécois s’est donné l’objectif de régler l’enjeu à l’échelle provinciale. En 2022, l’Observatoire du documentaire a entamé une consultation auprès de tous les intervenants concernés par la question : les enseignants, le ministère de l’Éducation du Québec, la SODEC, les producteurs, les documentaristes, ainsi que les principales plateformes de visionnement ayant un mandat éducatif au Québec.
« Nous avons une très belle solution à proposer », a annoncé Amélie Lambert Bouchard, directrice de l’Observatoire du documentaire, en novembre dernier, au Forum RIDM 2024, lors de la publication du Plan d’action pour l’intégration des films documentaires indépendants dans le milieu scolaire au Québec.
Le premier chantier de ce plan d’action est piloté par le comité Arrimage ; il consiste à créer un modèle de fiche pédagogique standardisée pour les documentaires (aussi appelé fiche « éducation-culture ») accessible à travers tout le système scolaire.
« Les professeurs ont beaucoup de matières à enseigner, explique la pédagogue Jade Ménard, membre du comité Arrimage. Si un film n’a pas de lien direct avec les contenus ou les compétences qu’ils ont besoin d’aller développer chez l’élève, ce ne sera pas possible pour eux de le montrer. »
La fiche « éducation-culture » permettra aux enseignants de rapidement voir la valeur éducative d’un documentaire, en fonction du niveau scolaire et de la matière enseignée. « Cette fiche devra être faite avec des experts en pédagogie, qui parlent le langage des professeurs et qui connaissent le programme pédagogique », précise Denis McCready, membre de l’Observatoire du documentaire.
Les bibliothèques à la rescousse
Comment faire pour qu’un enseignant puisse prendre connaissance de tous les documentaires qui auront été « fichés » pour lui? L’Observatoire a aussi travaillé sur le chantier de la découvrabilité des contenus, et ce, sans devoir créer une nouvelle plateforme de visionnement.
« Les différents ministères nous disent qu’ils ne veulent plus de nouvelles plateformes. On ne peut même plus prononcer le mot devant eux – c’est comme dire Voldemort », ironise Mathieu Thuot-Dubé, directeur principal de l’éducation et de l’action culturelle de Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ), qui est une des parties prenantes du plan d’action.
À la suite de ses consultations, l’Observatoire a choisi de se tourner vers le réseau des bibliothèques pour créer un portail de référencement. « C’est très méconnu, mais les bibliothécaires sont les experts de ‘comment on catégorise les savoirs’ et ‘comment on les présente à différents publics’ », explique le directeur à la BAnQ.
Selon lui, la première porte d’entrée dans les écoles est le catalogue des bibliothèques scolaires. Au terme d’un vaste chantier de mégadonnées, Mathieu Thuot-Dubé aimerait que le fameux catalogue des bibliothèques scolaires serve de « fondation » pour réunir au même endroit tous les contenus culturels, incluant les documentaires.
Il restera ensuite à régler la question de l’hébergement des films. « Les trois principales plateformes présentes au Québec (Éducation ONF, Curio et Télé-Québec en classe) ont démontré une très grande ouverture à collaborer pour héberger ces films documentaires indépendants », indique la directrice de l’Observatoire du documentaire, Amélie Lambert Bouchard. Toutefois, elles ne veulent pas avoir le souci technique ni avoir l’obligation de prendre la fiche culture-éducation sur leur site. »
La prochaine étape? En 2025, l’Observatoire du documentaire continuera de discuter d’hébergement avec les plateformes de visionnement, de portail de référencement avec le réseau des bibliothèques, tout en confirmant avec le ministère de l’Éducation quels seront les montants alloués pour la création des fiches pédagogiques et le paiement des droits d’auteur.
Selon l’Observatoire, le vaste chantier devrait se concrétiser d’ici deux à trois ans.
Philippe Jean Poirier
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