FMC – Valerie Creighton invite à miser gros sur l’industrie audiovisuelle
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Catégorie(s) : Actualités — Cinéma — Télévision
Misons gros sur l’industrie audiovisuelle
Ce texte d’opinion est paru dans La Presse mercredi le 22 janvier 2025.
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Avez-vous regardé quelque chose de bon dernièrement? Quand les gens discutent de films ou de séries, la conversation tourne souvent autour des vedettes, de la nouvelle série à dévorer ou du box-office. Pour ma part, c’est le cœur battant de nos histoires qui me parle. Des histoires qui capturent l’essence de ce que nous sommes — nos triomphes, nos épreuves, notre identité complexe. Elles nous permettent de nous comprendre et de tisser des liens avec le monde.
L’industrie audiovisuelle canadienne est un puissant moteur économique. Ça risque de vous surprendre, mais la contribution directe du secteur audiovisuel canadien à l’économie équivaut celle de l’aérospatial et surpasse celles des pêcheries et de l’automobile. En 2023-2024, la production cinématographique et télévisuelle a ajouté plus de 11 milliards $ au PIB, généré 5,6 milliards $ d’investissements étrangers en ventes et en coproduction, et soutenu plus de 179 000 emplois — 271 000 en incluant toute la chaîne de valeur, comme les diffuseurs et les cinémas. Il y a de quoi être fier.
Derrière ces chiffres, il y a de vrais gens, de vraies communautés. De Victoria à Saint-Jean, en passant par Iqaluit, d’innombrables PME dépendent de cette industrie : hôtels, restaurants, compagnies de location, de transport, etc.
Ces données proviennent de l’Association canadienne des producteurs médiatiques (CMPA), qui compile les statistiques annuelles de l’industrie audiovisuelle. Elles sont impressionnantes — mais il y a un bémol. Comparativement aux années précédentes, la production d’ici connaît un fort ralentissement. En un an, la valeur des activités de production est passée de 11,8 à 9,6 milliards $, une chute de 19 %. Les investissements étrangers sont, eux, en recul de 24 %.
Que s’est-il passé? Pendant que notre industrie se remettait de la COVID, l’économie a subi une dégelée et deux grèves à lourds impacts ont été déclenchées à Hollywood. Si la tendance se maintient, on peut s’attendre à moins de projets de nos créateurs, moins d’investissements étrangers et plusieurs occasions manquées. Partout au pays, l’économie en souffrira. Les enjeux sont de taille.
L’année s’annonce critique. Des changements majeurs pointent à l’horizon. En 2025, à la suite de la mise en œuvre de nouvelles règles par le CRTC, les plateformes de diffusion en continu commenceront à contribuer aux fonds canadiens. Parallèlement, le CRTC développe un cadre réglementaire incluant la redéfinition du contenu canadien. Patrimoine canadien travaille avec le Fonds des médias du Canada, Téléfilm Canada, l’Office national du film et le Bureau de l’écran autochtone pour moderniser les façons d’investir dans le contenu d’ici, sur tous les écrans.
C’est une occasion rare, mais il faut bien faire les choses. Les anciennes façons de faire ne suffiront plus dans un paysage dominé par les plateformes internationales, de rapides avancées technologiques et le réajustement constant des marchés.
Une approche audacieuse est de mise : une stratégie centrée sur le Canada, qui mise sur nos créateurs, entreprises, propriétés intellectuelles et innovations, tout en continuant d’attirer les investissements étrangers. Le Canada est un lieu de prédilection pour les grosses productions internationales. Elles s’installent ici pour nos décors à couper le souffle, nos équipes qualifiées et nos coûts compétitifs. C’est bon pour l’emploi et l’économie locale.
Si les productions étrangères sont importantes, nos propres histoires sont essentielles à notre avenir économique. Pour preuve : avec une contribution de 1,77 milliard $ au PIB du Québec1 et des succès comme le Bye bye, Nos belles-soeurs, En direct de l’univers, 1995, Indéfendable et Le bonheur, l’industrie audiovisuelle québécoise démontre qu’il est payant d’investir dans notre secteur.
Les bonnes histoires ne tombent pas du ciel ; elles demandent de l’argent, du développement, du temps et de l’espace. Nous avons constaté l’impact d’un investissement public significatif au Québec, au Royaume-Uni, en Australie et dans les pays nordiques. Notre voisin du Sud est le plus important producteur de divertissement au monde. Face à lui, il est essentiel d’investir publiquement pour aider nos créateurs à développer, produire et mettre en marché les meilleures productions d’ici.
Idéalement, notre nouveau cadre réglementaire reflèra notre industrie, récompensera l’innovation, stimulera l’investissement et veillera à ce que le talent et les histoires soient au premier plan — un exercice d’équilibre entre économie et culture.
Le statut quo ne suffit plus. Nous devons travailler ensemble pour tirer parti des investissements antérieurs et assurer la croissance pour la prochaine génération. Investir dans le cinéma, la télévision et les médias numériques d’ici, c’est célébrer notre culture et assurer notre avenir économique.
Nos histoires, nos créateurs, nos entreprises et nos publics le méritent.
Valerie Creighton est présidente et chef de la direction du Fonds des Médias du Canada, le plus important organisme de financement au pays pour le contenu canadien destiné aux plateformes audiovisuelles.
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