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Fonds des médias du Canada – (Partie 1/2) La définition actuelle du contenu canadien expliquée

Publié le 17 octobre, 2022
Publié le 17 octobre, 2022

FMC – (Partie 1/2) Texte sur la définition actuelle du contenu canadien expliquée

L’industrie des écrans est à la croisée des chemins et une discussion sur le contenu canadien s’impose.

Texte publié le 13 octobre 2022 sur le site du FMC

Au cours des prochains mois, le FMC souhaite lancer une discussion sur la future définition du contenu canadien : quels sont les enjeux? En quoi est-ce important? Quel avenir envisage-t-on pour l’industrie? Cet article en deux parties est le second d’une série de Futur et Médias qui offre une tribune à des voix diverses qui se penchent sur l’essence du contenu canadien, l’authenticité, la propriété intellectuelle, les modèles d’affaires, et plus encore.

Voici la première partie :

Le Fonds des médias du Canada (FMC) souhaite démarrer une discussion pertinente et constructive sur une définition actualisée du contenu canadien. Des changements considérables se profilent à l’horizon; repenser ce qui constitue le «contenu audiovisuel canadien» est l’un des principaux enjeux auxquels font face l’industrie de la production audiovisuelle et le secteur de la diffusion.

Le rôle du FMC dans cette réflexion n’est pas de définir le contenu canadien à la place de l’industrie. Nous voulons plutôt vous entendre. Nous souhaitons créer un forum où échanger des idées et discuter des façons d’améliorer la définition et l’avenir du contenu canadien, pour rejoindre de nouveaux publics ici et ailleurs. Pour cela, il est essentiel de faire une place à de nouveaux·.elles collaborateur·t.rice.s, de nouvelles communautés, de nouvelles perspectives. Nous voulons nous assurer que toutes les voix sont incluses.

Mais pour savoir où nous allons, il faut comprendre d’où vient la définition actuelle et où nous en sommes. Cet article en deux parties explique l’histoire et le contexte de la présente définition du contenu canadien, qui peut sembler trop technique par moments. Notre objectif est d’éliminer ldes obstacles, de sorte que tout le monde ait les mêmes informations et puisse participer à la discussion d’une manière significative.

Vous trouverez, parsemées au fil du texte, des étincelles pour la réflexion. Ces sections en aparté vous mèneront à réfléchir à ce qui devrait changer et à ce qui devrait être conservé dans la définition actuelle du contenu canadien. Certaines de ces questions et thématiques seront aussi approfondies dans des articles de Futur et Médias.
Mais pour commencer, un peu d’histoire.

Comment est né le contenu canadien?

Des mesures gouvernementales soutiennent la production de contenu canadien depuis la création de CBC/Radio-Canada en 1936 et de l’Office national du film du Canada (ONF) en 1939. Avant l’émergence de la télévision, ces institutions ont démontré la force et l’importance de donner la parole aux Canadiennes et Canadiens pour se raconter. En 1949, après une prise de conscience à l’effet que la culture canadienne devait être protégée, encouragée et promue, le gouvernement fédéral a créé la Commission royale d’enquête sur l’avancement des arts, des lettres et des sciences, mieux connue sous le nom de Commission Massey, pour déterminer les lignes directrices d’une nouvelle politique culturelle canadienne.

Déposé en 1952, le rapport marquant de la commission concluait que, puisque «la population du Canada est restreinte, disséminée sur un immense territoire» et que «le danger toujours présent d’une dépendance permanente» à la culture américaine la guette, le Canada avait besoin de politiques culturelles qui renforcent la cohésion sociale et le sentiment d’appartenance à la nation. Le rapport mettait notamment l’accent sur la dualité linguistique et culturelle entre le Canada francophone et anglophone. Les principes définis par le rapport Massey ont constitué jusqu’à aujourd’hui les fondements des investissements publics dans les arts et la culture au pays, y compris les arts visuels, les arts de la scène, les musées, les publications et, bien sûr, la production médiatique et la diffusion.

Dans la foulée de la Commission de vérité et réconciliation en réponse au traitement des Premières nations par le gouvernement canadien et d’une prise de conscience collective des enjeux raciaux au cours des dernières années, le rapport Massey a été accusé d’avoir une vision colonialiste et eurocentrique de la culture canadienne. En effet, les peuples autochtones et d’autres communautés visant l’équité ont été carrément ignorés par le rapport. En fondant sur une définition sans doute eurocentrique les paramètres d’une « culture officielle », le rapport a discrédité la pluralité des voix et cultures canadiennes. Spécialement lorsque l’on constate l’importance qu’accorde le projet de loi C-11 à la promotion des voix sous-représentées, notamment celles issues des communautés autochtones et afrodescendantes et d’autres groupes racisés, comment la définition de contenu canadien peut-elle évoluer pour abattre ces barrières et devenir plus inclusive et représentative? Comment peut-elle soutenir les communautés visant la souveraineté et l’équité, et les encourager à raconter, détenir et monétiser leurs propres histoires? Comment une définition actualisée du contenu canadien peut-être assurer que tous les publics ont accès à un contenu qui reflète la diversité du Canada?
Pour soutenir la mise en œuvre de ces investissements, plusieurs institutions publiques ont été mises en place, dont Bibliothèque et Archives Canada en 1953, le Conseil des arts du Canada en 1957, Téléfilm Canada (anciennement la Société de développement de l’industrie cinématographique canadienne) en 1967, et le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) en 1976. Puis en 1984, le CRTC est devenu la première institution publique à établir une définition claire du contenu canadien pour les œuvres audiovisuelles.

 

Quel est l’objectif du contenu dit canadien?

Bien qu’il découle d’une politique culturelle, le contenu canadien n’existe pas que pour répondre à des objectifs culturels; la production et la diffusion ont d’immenses retombées industrielles et économiques. Les politiques culturelles du Canada ont créé et cultivé une industrie locale florissante qui, combinée à des mesures économiques incitatives, ont propulsé la production étrangère de sites et de services à un niveau vertigineux. Selon Profil 2021, le secteur de la production canadienne crée plus de 217 000 emplois chaque année, dont 82 000 proviennent de la production de contenu canadien.

Ces emplois, largement occupés par des Canadiennes et des Canadiens, génèrent des impôts pour tous les paliers de gouvernement et des milliards de dollars annuellement en volume de production. Tout cela entraîne un effet économique majeur pour le Canada: 11 milliards de dollars en PIB en 2020-2021 seulement.

À mesure que vous lirez les éléments de la définition ci-dessous, il pourrait être utile de vous demander comment, concrètement, chaque exigence existante génère des retombées culturelles, industrielles et économiques. Que faut-il inclure dans une définition actualisée du contenu canadien pour assurer que les secteurs de la diffusion et de la production continuent de contribuer à l’économie canadienne? Comment l’idée de retombée culturelle a-t-elle évolué? Qu’est-ce qui doit être considéré pour assurer que l’industrie contribue à l’intérêt culturel, industriel et économique du Canada, voire qu’elle les fasse grandir?

Qui détermine ce qui est considéré comme du contenu canadien?

Dans le système actuel, trois organismes publics ont le pouvoir de certifier un contenu canadien. Chacun d’eux a des objectifs distincts et complémentaires. Parallèlement, plusieurs autres agences, fonds et parties concernées utilisent ces définitions pour élaborer leurs programmes et leurs politiques.

Comme nous le verrons en détail, ces trois organismes ont chacun leur rôle et leurs raisons de certifier le contenu. L’industrie bénéficierait-elle d’une approche plus centralisée? Quels problèmes cela réglerait-il et quels en seraient les effets?
BCPAC

Le Bureau de certification des produits audiovisuels canadiens (BCPAC), un organe du ministère du Patrimoine canadien, certifie le contenu canadien pour l’accès aux crédits d’impôt. Le Crédit d’impôt pour production cinématographique ou magnétoscopique canadienne (CIPC) est accordé à des sociétés admissibles détenue et administrée par des intérêts canadiens qui produisent du contenu admissible. Le CIPC soutient la production de films ou de vidéo linéaires et non interactifs. Cela peut inclure des productions en 360 degrés ou en réalité virtuelle, mais exclut habituellement les sites Web, jeux vidéo et applications. Les productions qui ne sont pas considérées comme canadiennes, comme les productions étrangères et de service, ou les productions canadiennes qui choisissent de se passer du CIPC peuvent profiter du Crédit d’impôt pour services de production cinématographique ou magnétoscopique (CISP), qui offre un incitatif moins élevé que le CIPC.

Certaines provinces offrent aussi des crédits d’impôt similaires au CIPC pour encourager la production locale. Les définitions de ces crédits provinciaux sont généralement uniformisées avec celles du CIPC. Si la définition du BCPAC change, il importe de se demander quelles seront les conséquences sur ces crédits d’impôt provinciaux.
CRTC

Le CRTC, l’organisme de réglementation indépendant de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, joue également un rôle important dans la certification du contenu canadien. Alors que le BCPAC certifie le contenu à des fins fiscales, le système de certification du CRTC existe principalement comme un moyen pour les diffuseurs canadiens d’inscrire leurs programmes afin de respecter leurs obligations réglementaires, et pour assurer que le public canadien ait accès à des histoires canadiennes. Bien que le BCPAC et le CRTC utilisent tous deux un système de « pointage » (plus de détails dans la deuxième partie de cet article), certains éléments de leurs définitions diffèrent. De plus, comme les projets ne sont tous pas admissibles à des crédits d’impôt, pour diverses raisons, ils peuvent être soumis tant au BCPAC qu’au CRTC, voire aux deux, pour être certifiés.

Téléfilm Canada

En dernier lieu, le Fonds national du film du Canada, Téléfilm Canada, a la tâche de certifier les coproductions internationales régies par un traité. Le Canada possède des traités de coproduction avec près de 60 pays. Ces ententes, négociées par le gouvernement, sont des outils permettant aux partenaires de mettre en commun leurs ressources créatives, financières et techniques. Pour qu’un projet soit certifié au Canada, la productrice ou le producteur doit présenter à Téléfilm une demande ainsi qu’une entente signée de coproduction avec un·.e producteur·trice étranger·ère issu·e d’un pays signataire d’un traité. Chaque pays possède son organe de certification (comme Téléfilm, au Canada) qui examine les projets et les structures de coproduction à des fins d’approbation. Une fois certifié, le projet est reconnu comme étant du «contenu national» dans chacun des pays. Une coproduction régie par un traité peut être admissible au CIPC (géré par le BCPAC, comme nous l’expliquons ci-dessus).

Y a-t-il des facteurs importants à prendre en considération pour assurer un niveau appropriée de «canadienneté» dans les coproductions? Comment une définition actualisée du contenu canadien peut-elle favoriser les occasions de coproduction? Notons que certaines communautés visant la souveraineté et l’équité ont soulevé des défis systémiques inhérents au modèle de coproduction actuel. Par exemple, plusieurs communautés des Premières nations sont traversées par des frontières internationales. Comme le Canada n’a pas d’entente de coproduction avec les États-Unis, les productions transfrontalières faites dans ces communautés ne comptent généralement pas comme du contenu canadien. On remarque aussi plusieurs exemples de coproductions internationales faites par des diasporas qui ne sont pas admissibles, car le pays partenaire n’a pas de traité avec le Canada. Les pays qui n’ont pas d’entente avec le Canada ont tendance à être économiquement plus défavorisés.

Contenu étiqueté «canadien» mais non certifié

À l’heure actuelle, les services de diffusion en ligne comme Netflix, Prime Video, Disney+ et Apple TV+ ne sont pas soumis aux mêmes exigences, notamment en matière de contenu canadien, que les diffuseurs traditionnels. Cela n’empêche pas plusieurs de ces services d’en acheter et d’en faire la promotion. Plusieurs d’entre eux ajoutent à leur plateforme une section «canadienne» où sont mis de l’avant des programmes certifiés par l’un ou l’autre des organismes mentionnés ci-dessus. Cependant, ces collections comprennent aussi du contenu non certifié, qui correspond plutôt à une définition élaborée à l’interne. Cela peut inclure des productions filmées au Canada, dans lesquelles sont impliquées des sociétés de productions canadiennes, qui présentent un élément canadien ou dont l’action se situe au Canada, ou qui met en vedette des talents canadiens devant ou derrière la caméra.

Plusieurs des principaux services de diffusion en ligne en activité au Canada réclament une définition plus large du contenu canadien, qui inclurait vraisemblablement la plupart des contenus non certifiés qui se trouvent dans leur collection canadienne. La définition devrait-elle être élargie? Si oui, quel effet cela aurait-il? Nous explorerons plus en profondeur ces questions dans la deuxième partie de cet article.

Et pour la suite?

Lisez la deuxième partie de nos explications sur le contenu canadien ici. Vous avez une opinion brûlante à partager pour un futur article? Écrivez à comms@cmf-fmc.ca. Vous pouvez aussi participer à la discussion sur les médias sociaux en utilisant le mot-clic #DefinirNotreContenu.

Kyle O’Byrne

Établi à Ottawa, Kyle est responsable de l’élaboration et de la mise en œuvre de la stratégie nationale en matière d’affaires publiques du FMC. Auparavant, il a travaillé à l’Association canadienne de la production médiatique (CMPA). Au poste de directeur des politiques, il était responsable du suivi et de l’établissement de rapports sur les politiques émergentes relatives au secteur de la production indépendante, ainsi que des communications avec le gouvernement, les organismes de réglementation, les organismes de financement à la production, les médias et les membres de la CMPA. Il encadrait la production de Profil, le rapport économique annuel de l’Association, et d’autres activités de recherche. Kyle a antérieurement été chef des relations avec les médias et des communications au sein du Service des communications de la CMPA. À ce poste, il était l’un principaux organisateurs du colloque annuel Prime Time et conseiller de rédaction du magazine phare de la CMPA, Indiescreen.

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