
Gérard Grugeau (1951-2025) – L’un des piliers de la revue 24 images
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Catégorie(s) : Actualités — Cinéma
C’est avec une immense tristesse que je vous annonce la disparition de Gérard Grugeau, décédé le 12 mars 2025 dernier des suites d’une longue maladie.
Figure majeure de la critique de cinéma depuis les années 1980, Gérard était l’un des piliers de la revue 24 images. Membre du comité de rédaction de la revue de 1987 à 2021, il en a également été le secrétaire de rédaction de 2015 à 2021. Celles et ceux qui l’ont connu savent à quel point Gérard était, à son corps défendant mais à de nombreux égards, le cœur et l’âme de la revue.
Constituée d’innombrables critiques, entretiens et textes de fond sur le cinéma québécois et international, l’œuvre critique de Gérard se distingue par la finesse de son regard et sa plume aussi lyrique que méticuleuse. Érudit, curieux et immensément généreux, Gérard possédait les plus grandes qualités d’un critique. On pouvait toujours ressentir dans ses textes une véritable pensée au travail. S’il attendait beaucoup du cinéma, sa démarche demeurait néanmoins fondée sur un réel désir de dialogue et de rencontre avec les films. Gérard voulait aimer tout le cinéma – et le monde. Et s’il exprimait une déception, ce n’était jamais avec l’arrogance du connaisseur mais avec le cœur lourd de celui qui aime trop.
Amoureux des cinémas du monde, Gérard avait transposé dans l’acte critique sa soif inextinguible de justice sociale. Amateur de péplums dans sa jeunesse, il également est devenu un connaisseur hors pair du cinéma portugais, un admirateur des rêveries de Tsai Ming-liang et Apichatpong Weerasethakul, et un accompagnateur exceptionnel du cinéma québécois indépendant. Il s’est passionné avant tout pour un cinéma qui, à son image, alliait une sensibilité à fleur de peau et une complète absence d’arrogance. Il affectionnait en particulier les films capables de transmettre les mouvements singuliers du cœur à travers les corps et les visages, et les œuvres parvenant à témoigner avec lucidité et complexité de leur époque.
De nature réservée et d’une gentillesse sans borne, Gérard était à ce point tourné vers les autres qu’il n’a jamais pris conscience de l’immensité de son talent. Dans une autre vie, il aurait pu être l’un de nos grands écrivains ou une figure incontournable du paysage culturel. Mais nous aurions alors perdu l’un des plus grands critiques que le Québec a connus, et un homme qui, sans le savoir, aura encouragé et nourri la passion d’un grand nombre de critiques et de cinéastes.
Gérard a été un phare intellectuel et humain pour nombre d’entre nous. À l’image de son sourire d’éternel enfant, Gérard a passé toute son existence à nous enseigner, sans le savoir, comment voir le cinéma, mais plus important encore, comment vivre. S’il n’est plus parmi nous, ses écrits restent et je ne peux qu’encourager chaleureusement quiconque s’intéresse à la beauté du monde et du cinéma à relire du Gérard Grugeau. Vous pouvez d’ailleurs commencer par la lecture de sa dernière critique de film, republiée ci-dessus.
Bruno Dequen
Rédacteur en chef – 24 images
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