Les nôtres : entrevue avec Marianne Farley productrice du film qui sort en salle ce vendredi 13 mars 2020

Une entrevue avec Marianne Farley, productrice du film « Les nôtres »

 

Après avoir fait l’ouverture des RVQC 2020, Les nôtres, deuxième long métrage de Jeanne Leblanc (Isla Blanca), sort en salle dans plusieurs villes du Québec le 13 mars 2020

Charles-Henri Ramon a discuté avec Marianne Farley, productrice du film et également interprète de la mère de Magalie, cette adolescente qui se retrouve au cœur de toutes les attentions du petit village de Ste-Adeline.

« À l’origine du projet, il y a une dizaine d’années, je souhaitais donner de l’ouvrage à des gens que je savais très talentueux, mais qui n’avaient pas forcément les opportunités qu’ils ou elles auraient dû avoir. Je connaissais Judith, comédienne comme moi, et j’avais vu un court métrage de Jeanne. Je les ai approchées avec une histoire encore plus lourde que Les nôtres. J’avais l’intuition qu’elles pouvaient s’entendre. Elles ont commencé à travailler ensemble, en parallèle de leurs projets respectifs. Après quatre ans, elles ont décidé d’abandonner l’histoire que j’avais en tête. C’est devenu autre chose, tout en restant dans une zone commune, et finalement, je crois qu’elles se sont approprié l’histoire. Au départ, c’était presque une commande, mais cela a dévié vers quelque chose de très naturel pour elles. Donc, l’histoire de Les nôtres a débuté il y a à peu près six ans. »

Lors de la conversation, il est évident que les préoccupations féministes de la productrice ont été les principales sources de motivation. « [Elle hésite]… C’est délicat parce que je ne veux pas trop parler du sujet, précise-t-elle… Je ressentais le besoin de porter à l’écran des rôles de femmes fortes, imparfaites, et complexes… Des femmes qui ne sont pas juste la blonde ou la mère de quelqu’un. Parce qu’on est encore beaucoup dans ce genre de représentations malheureusement. J’ai aussi envie de toucher à des sujets d’ordre social, car je considère que le cinéma a un devoir. En tout cas le cinéma qui me touche. Il doit toujours y avoir une portée sociale quelconque, même subtile. Le cinéma doit dire quelque chose à son auditoire. »

D’où l’envie pour Marianne Farley de jouer dans le film, comme pour mieux affirmer le lien étroit qu’elle entretient avec un sujet qui lui tenait à cœur. « En effet, je voulais porter le projet à un niveau plus structurel, plus intellectuel, même plus artistique, nous dit-elle. À l’époque, je ne souhaitais pas le réaliser. Je faisais de la production pour encourager mes amis, pour être dans la création. Donc, le jeu m’apportait l’équilibre personnel parfait. Et j’avais le profond désir de travailler avec Judith comme actrice et Jeanne comme réalisatrice. »

 

Le financement du film ne semble pas avoir pas rencontré de difficultés majeures, en dépit d’un récit sensible, presque tabou, en tout cas très rarement abordé de la sorte dans le cinéma québécois. « C’est un sujet tellement délicat… d’ailleurs, il a été traité de manière très subtile. On ne rentre pas dans le sujet avec un 2×4. On ne défonce pas des portes et on ne veut pas poser des « statements » noir et blanc. Tout reste dans une zone grise. Et ça, c’est très difficile à faire, honnêtement. Au niveau du financement, il n’y a pas un film qui soit facile à faire passer. Tous ont leurs problèmes. Pour ce projet, on a vraiment eu de la chance. Cela a été une question de « timing ». Jeanne était à la bonne place au bon moment. À l’époque je travaillais avec Marie-Hélène Panisset, qui nous aidé au niveau du développement. Donc on a déposé dans sa boîte. Parce que je n’avais pas les reins assez solides comme productrice. J’avais fait plusieurs courts métrages. J’en avais fait beaucoup, mais ils étaient non financés, donc je n’avais pas d’historique auprès de la SODEC. On a déposé en développement, on l’a eu. On a déposé en production. Ça a pris quelques essais, mais ça s’est normal. On avait une bonne étoile… et on était aussi au moment où les institutions voulaient ouvrir plus aux femmes. Or, c’est un sujet féminin « leadé » par des femmes, et en plus c’est un scénario très fort. Si le scénario n’avait pas été à la hauteur, je ne pense pas que cela aurait fonctionné aussi bien. »

C’est aussi ce genre de productions que Marianne Farley souhaite mettre au monde désormais. Son prochain film, Au nord d’Albany, qui devrait être tourné au cours de l’été, aborde le thème de la fuite. « Albany, ce n’est pas une thématique sociale globale. Mais oui, ce film dit quand même quelque chose sur les êtres humains, sur notre façon de gérer nos angoisses… la fuite c’est un sujet tellement vaste et en même temps très universel. Je ne connais pas une personne qui ne fuit pas quelque chose d’une manière ou d’une autre. Ce sont des personnages qui fuient une situation, mais qui ont aussi de la difficulté à faire face à eux-mêmes. » On pourrait en dire autant de la communauté tricotée serrée dessinée par Judith Baribeau et Jeanne Leblanc dans Les nôtres, qui prend l’affiche ce vendredi 13 mars.

Entrevue réalisée par Charles-Henri Ramond, à Montréal, le 25 février 2020.

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