Une entrevue de Gabriel Allard, réalisateur de Snow Angel présenté au FCVQ 2022, par Marc Lamothe
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Une entrevue de Gabriel Allard, réalisateur de Snow Angel, film de clôture de la 11e édition du Festival du cinéma de la Ville de Québec, par Marc Lamothe
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SNOW ANGEL de Gabriel Allard est le film de clôture de la 11e édition du Festival de Cinéma de la Ville de Québec (FCVQ). Il a été présenté à la salle Le Diamant de Québec samedi le 11 septembre. Un grand honneur puisqu’il s’agit d’un premier long-métrage, réalisé de manière entièrement indépendante et en anglais de surcroît.
Nous avons voulu nous entretenir avec le réalisateur, coproducteur et coscénariste du film.
Entrevue réalisée par Marc Lamothe
CTVM. info — Votre tout premier long métrage sera proposé au public québécois en tant que film de clôture du FCVQ avant de prendre l’affiche plus tard cet automne en salles. Quelle a été votre réaction lorsque vous avez appris la nouvelle, et ressentez-vous une pression supplémentaire maintenant qu’une attention festivalière est portée vers votre film ?
Gabriel Allard — Comme j’ai habité 4 ans à Québec de 2004 à 2008 et que je suis allé à l’Université Laval, ça m’a fait vraiment, vraiment plaisir ! J’ai aussi ressenti un soulagement. Moi, je l’aime mon film, mais l’objectif c’est que les autres l’aiment aussi ! Alors, d’apprendre qu’un festival prestigieux comme le FCVQ s’intéresse à SNOW ANGEL m’a donné un grand sentiment d’accomplissement.
SNOW ANGEL a été tourné de manière totalement indépendante. Vous avez notamment eu recours à une campagne sociofinancement. Est-ce selon vous un moyen efficace de financer un long métrage au Québec ?
Gabriel Allard — En fait, ce n’était pas tout à fait une campagne de sociofinancement, c’était vraiment une campagne de levée d’investissements. Nous avons vendu des parts du film à 5 000 $ le 1 % et les investisseurs sont devenus producteurs associés, co-exécutifs ou exécutifs selon leur participation et/ou les références amenées. Nous avons vendu en tout pour 265 000 $ de parts. En raison de la COVID, nous avons perdu 15 000 $ parce que nous avions entamé la préproduction en 2020. Nous avons vendu au total 53 % des parts.
Le 47 % restant a été distribué à toute l’équipe selon leur poste. Nous allons donc rembourser les investisseurs en premier et notre espoir est que le film ait une longue et prospère vie pour que les gens, investisseurs comme membres de l’équipe, continuent à recevoir des sous pendant longtemps. Je ne peux pas vraiment dire si ce modèle particulier est un moyen réellement efficace, puisque nous ne l’avons expérimenté que sur un projet à budget restreint, mais c’est définitivement une piste de réflexion. J’aime dire que c’est un « prototype », puisque cette structure est une version simplifiée de ce que j’aimerais tenter avec un plus gros budget. Il est difficile de concevoir que des films québécois en français puissent être financés de façon privée à cause de la grosseur du marché. Le plafond arrive très vite et des films, ça coûte cher. Peut-être qu’un hybride serait possible ? Au fond, je suis un passionné qui a trouvé son propre chemin pour faire son premier film. Et une chose est sûre, j’aime innover et penser en dehors de la boîte ! Si cette façon de faire peut inspirer d’autres cinéastes québécois, tant mieux !
Votre dernier court métrage date de 2017. Avez-vous travaillé essentiellement sur ce projet durant les cinq dernières années ? La crise de la COVID a-t-elle ralenti votre projet ?
Gabriel Allard — J’ai travaillé un peu chez Ubisoft comme gestionnaire de plateau, j’ai eu quelques clients de vidéos corporatifs et quelques contrats de recherche de locations de tournage (scouting), mais essentiellement, j’ai travaillé sur le film. Oui, nous devions tourner au printemps 2020, nous avions même commencé la préproduction, mais comme tout le monde, le ciel nous est tombé sur la tête et nous avons dû reporter le tout d’un an.
La comédienne Catherine Bérubé a joué dans cinq de vos six courts-métrages. Elle a coproduit CRY WOLF (2017) et SOMETHING BEAUTIFUL (2016) qu’elle a également coscénarisé. Décrivez-nous un peu votre relation artistique ? Comment développez-vous vos projets ensemble ?
Gabriel Allard — Premièrement, nous formons une famille, mais je pourrais dire aussi qu’elle est ma muse puisque tous les rôles qu’elle a joués ont été écrits avec elle en tête. Mais elle est plus que ça, nous sommes des partenaires. Elle me complète dans un paquet de tâches et ça lui arrive même de mieux exprimer ma propre pensée que moi-même. Artistiquement, les projets jusqu’à présent ont toujours été initiés par moi et Catherine s’est jointe par la suite. Son implication varie beaucoup selon plusieurs facteurs de la vie comme, entre autres, le nombre de productions sur lesquelles elle travaille en même temps.
Votre maison de production se nomme Grand Karma. Le karma est évidemment le principe de l’hindouisme qui veut que les actes et les vies passées d’une personne influencent son destin. Pourquoi ce nom de compagnie ?
Gabriel Allard — Ce n’est pas tant la relation directe avec la réincarnation que le fait que chaque personne qui œuvre sur un projet donné a un impact sur celui-ci, qui durera dans le temps. Même si cette même personne n’est plus impliquée dans le projet depuis des années, une partie de son essence restera toujours dedans. Dans cette même optique, nous reconnaissons l’apport de tous dans le projet, de l’assistant de production au comédien principal.
Dans CRY WOLF, ainsi que dans SNOW ANGEL, le rôle de l’enfant est primordial à la dynamique de l’histoire. Le personnage principal de votre long métrage, Mary-Jane Morris, a elle-même d’importants problèmes relationnels avec son père. Vous qui êtes aussi père de famille. En quoi la paternité a-t-elle changé votre écriture ou vos intérêts dans vos récits ?
Gabriel Allard — Tous ces projets ont été conçus et/ou imaginés avant que je devienne père. Donc, leur genèse n’en a pas été affectée. Mais pour SNOW ANGEL il est évident que ma sensibilité face à la relation de MJ avec son père a affecté ma direction dans le film. Par contre, la paternité a eu un effet sur la variété de mes idées. Je n’imagine plus seulement des concepts de film ou de séries pour adultes, j’ai quelques films d’animation ou d’émissions pour enfants en réserve. J’aimerais bien créer des projets pour mes enfants avant qu’ils soient rendus adultes.
Quelle a été la genèse de SNOW ANGEL ?
Gabriel Allard — La première idée qui a mené à SNOW ANGEL m’est venue en 2012 alors que j’étais en road trip avec Catherine dans l’Ouest canadien. Nous étions plus précisément à Whistler où j’avais passé 2 ans en début 2000. J’ai pensé à une séquence (que je ne vais pas raconter puisqu’elle est toujours dans le film) qui se passait dans les Chic-Chocs en Gaspésie et j’ai décidé à ce moment-là que ce film (qui s’appelait à l’époque THE DROP) allait être mon premier film.
Parlons un peu de la politique de la langue dans vos films. Dans SNOW ANGEL, certains personnages sont bilingues alors que le personnage joué par Catherine Bérubé ne comprend pas le français alors que le film a été tourné à Saint-Octave-de-l’Avenir et dans les Chic-Chocs, en Gaspésie. Le film a été tourné originalement en anglais et sera distribué au Québec en version doublée en français par TVA Films. Parlez-nous un peu de ces choix linguistiques ?
Gabriel Allard — Peut-être parce que j’étais dans un environnement anglophone quand j’ai pensé à l’histoire, mais elle m’est venue en anglais. Avec un personnage principal qui vient de l’extérieur, mais pas trop loin, et qui vit près d’une montagne d’envergure… au Vermont. J’aimais l’idée de faire un film purement québécois, mais vécu à travers les yeux d’une « outsider ». Et par la suite, le désir de financer le film de façon privée et le faire voyager à travers le monde est venu renforcer la décision de le faire en anglais. Je me suis dit que les gens de l’extérieur du Québec pourraient plus facilement s’identifier au personnage principal, qui n’est pas du coin, et découvrir une partie du Québec à travers elle.
Vous avez été moniteur de planche à neige dans le passé. Pourquoi avoir choisi la compétition de planche à neige comme métier pour le personnage joué par Catherine Bérubé dans votre long métrage ?
Gabriel Allard — Pour faire un premier long métrage, on dit souvent qu’il est mieux de rester en terrain connu. La planche à neige a été un élément très marquant dans ma vie et donner à Mary Jane ce parcourt me permettait de pouvoir me mettre dans sa peau facilement pour créer son univers et ses relations.
Avez-vous posé des gestes écoresponsables lors de cette production tournée en partie en extérieur afin de réduire l’empreinte écologique de ce tournage ? Si oui, de quelles natures ?
Gabriel Allard — Nous avons porté une grande attention à nos gestes. En tournant majoritairement dans un rayon d’environ 400 mètres carrés et en logeant l’équipe au même endroit, nous avons limité de beaucoup nos déplacements. Plus souvent qu’autrement nous nous déplacions à pied. Ce qui n’a pas été tourné à St-Octave a été tourné à Cap-Chat, en bas de la montagne. Pratiquement tous nos repas ont été servis avec des couverts et des ustensiles réutilisables. Annie, notre cuisinière, a mis un soin fou à innover et à ne pas gaspiller d’aliments en réutilisant les restants de la veille dans nos collations. Nous avons acheté une grande partie de notre nourriture localement et nous avons favorisé l’utilisation de bouteilles d’eau réutilisable. Au final, je considère que nous avons fait de notre mieux dans les circonstances. J’encourage fortement toute l’industrie à innover pour faire passer l’empreinte écologique des films à neutre.
Vous avez participé au montage de certains de vos courts. Dans le générique de SNOW ANGEL, on remarque un certain Alan Smithee à titre d’assistant-monteur… Est-ce vous ? Le cas échéant pourquoi ce fameux sobriquet ?
Gabriel Allard — (Rires) Je ne répondrai à cette question qu’en présence d’un avocat ! C’est très cocasse, mais c’est une blague à l’interne que je ne peux malheureusement pas dévoiler. Peut-être que dans quelques années je pourrai l’expliquer, si on me repose la question.
Avez-vous déjà un projet de prochain long-métrage ?
Gabriel Allard — J’ai plusieurs idées d’écrites sur mon tableau, autant des films que des séries, mais je ne suis pas encore certain laquelle j’aimerais attaquer en premier. Je vais vivre la sortie de SNOW ANGEL et je choisirai après. Il y a aussi que j’aimerais beaucoup avoir la chance de collaborer avec des scénaristes et des producteurs sur un/des projets que je n’aurai pas nécessairement créés. J’aimerais beaucoup travailler comme réalisateur sans porter le chapeau de producteur. Je n’ai encore jamais eu l’opportunité de le faire, alors l’appel est lancé ! (rires)
Snow Angel est une production de Grand Karma : Site web de la maison de production Grand Karma
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