Une entrevue de Justine Valtier, directrice générale et artistique de la 27e édition du Festival REGARD 

Entrevue avec Justine Valtier, récemment nommée au poste  de directrice générale et artistique du Festival REGARD qui célèbre sa 27e édition 

Une entrevue de Marc Lamothe pour CTVM.info 

Justine Valtier a récemment été nommée directrice générale et artistique de Caravane Films Productions, qui a pour mission de produire REGARD – Festival international du court métrage au Saguenay, ainsi que ses activités dérivées.

Nous avons voulu nous entretenir avec elle et découvrir son parcours ainsi que ses attentes pour cette 27e édition. 

 

CTVM.info — Parlez-nous un peu de ce qui vous branche personnellement à titre de cinéphile ? 

Justine Valtier — Je suis une personne assez obsessionnelle et curieuse. Obsessionnelle, car dès que je découvre un.e cinéaste que j’aime pour diverses raisons, je regarde l’entièreté de ses œuvres, comme cela est arrivé avec Chantal Akerman, Wong Kar wai, Agnès Varda. Ce qui me fascine également, ce sont les films qui sont capables de te bouleverser au point d’en oublier tes repères. Je me souviens du film de Pier Paolo Pasolini, MAMMA ROMA (1962) qui m’avait bouleversé, et en sortant de la projection, je ne savais plus où j’habitais. Ce qui m’interpelle aussi, ce sont les impressions étranges que dégagent les films, comme L’INCONNU DU LAC (2013), d’Alain Guiraudie ou encore PIQUE-NIQUE À HANGING ROCK (1975) de Peter Weir que j’ai découvert il y a quelques semaines. 

 

Vous souvenez-vous de votre première visite au festival Regard ? 

Justine Valtier — Ma première visite à REGARD, je m’en souviens très bien. J’étais encore étudiante à L’UQAC en 2015. J’étais venu en échange scolaire durant ma première maîtrise en art. J’avais trouvé incroyable d’y trouver un festival d’une si grande envergure avec une programmation d’une telle qualité à Chicoutimi, en région. Je sentais que la ville était en ébullition! 

Parlez-nous un peu de votre parcours ? Vous avez été notamment été consultante en gestion et chargée de projet et directrice générale du centre d’artistes le Lobe à Chicoutimi ? 

Justine Valtier — Je suis au Québec depuis 2016, je suis venu en échange en 2015 pour ma première maîtrise en art. J’ai été en école d’Art en France pendant 5 ans, j’ai toujours eu une sensibilité accrue pour l’art, l’histoire de l’art et l’image. Mon histoire personnelle m’a permis de beaucoup voyager depuis mon enfance et j’avais envie de poursuivre ce goût du voyage au Québec tout en développant mon amour pour l’art. J’ai donc décidé de poursuivre mes études et mon sujet de recherche à l’UQAC avec une deuxième maîtrise en art et en développant ma pratique artistique à travers des résidences de création au Québec et à l’international. Après mes études, j’ai eu l’opportunité de donner des charges de cours pendant 4 ans à l’UQAC, en théories et mouvements des arts, et parallèlement, j’ai été directrice générale du centre d’artistes Le Lobe à Chicoutimi pendant plus de trois ans. Après mon départ du Lobe, j’ai été contactée comme consultante en gestion et chargée de projets pour une boîte de production, Saint-Fortunat Films à Chicoutimi. Et ce parcours se poursuit aujourd’hui avec beaucoup d’enthousiasme, de curiosité en prenant la direction générale et artistique du Festival REGARD. 

Vous remplacez Marie-Élaine Rioux qui a été à la tête de cet événement pendant une décennie. Diriez-vous que vous êtes dans la continuité de l’ancienne équipe ou vous avez profité de ce changement de direction pour apporter quelques changements à la formule ? 

Justine Valtier — Je dirais que, pour cette année, il y a eu l’intention de poursuivre avec l’équipe en ajoutant progressivement ma propre couleur et expérience. Bien entendu, il y aura des changements qui se feront progressivement, après une belle année d’observation. Mon mandat est de poursuivre le travail et l’implication engagés par les directions précédentes, tout en apportant ma vision artistique. Regard fête ses 27 ans cette année. Quelles sont les grandes valeurs qui transcendent ce long parcours ? Oui 27 ans, c’est incroyable ! Je dirais que les grandes valeurs de REGARD c’est l’audace, l’ouverture d’esprit, la passion du cinéma. L’équipe et le C.A. n’ont pas peur de prendre des risques et de croire au potentiel de chaque personne passionnée. Je pense que c’est une des grandes qualités de REGARD, d’utiliser des routes que tout le monde ne prendrait pas forcément et d’être ancré sur son territoire avec sa communauté tout en étant très ouvert sur l’autre. 

Quels sont vos objectifs et vos grands défis en 2023 ? 

Justine Valtier — Le grand défi, autre que de prendre la direction générale et artistique de REGARD, est de poursuivre le beau travail engagé par les directions précédentes avec autant de passion et d’implication. Les grands défis sont d’offrir une programmation de qualité, de faire rayonner le court métrage, et diffuser l’émergence culturelle. REGARD offre une véritable expérience culturelle, nos objectifs sont d’être toujours aussi créatifs, méticuleux dans notre accueil, surprenants ! Pour beaucoup d’organismes culturels, le défi reste actuellement, le poids de l’inflation avec des augmentations majeures à différents niveaux. Il faut donc trouver des alternatives, des solutions durables pour l’organisme. 

Quels sont vos rapports avec votre comité de programmation ? Est-ce que vous vous impliquez dans le choix des sections, des thématiques, des pays invités ou de certains films ? Vous gardez-vous un droit de veto ? 

Justine Valtier — Étant aussi à la direction artistique, je suis effectivement impliqué dans la programmation. C’est donc un travail de collaboration avec ma directrice de la programmation, Mélissa Bouchard, qui s’est organisée ces derniers mois. L’implication se fait à travers des échanges avec l’équipe de la programmation, un comité ayant des points de vue différents, mais complémentaires, ce qui fait aussi la singularité de REGARD. Notre manière de travailler se fait toujours de façon collaborative, à plusieurs égards. 

 

Votre festival a toujours donné la voix à des groupes plus sous-représentés, notamment les films tournés en région, les films queers et les œuvres féministes. Cette année, vous avez programmé un lot de films autochtones, belle initiative pour un festival allochtone. Que pouvez-vous nous dire de la sélection de ces films ? 

Justine Valtier — Nous avons décidé avec la programmation de revoir l’entièreté de notre calendrier afin de faire de la place pour ajouter plus de films. Ainsi, nous n’avons plus de reprise au sein de notre programmation. Nous poursuivons le REGARD en ligne permettant aux personnes de pouvoir avoir accès à tous les films de la programmation. Cette année, c’est donc plus de 180 films durant le Festival, 10 programmes en compétition officielle, 4 programmes à la compétition parallèle: Americana, 100% région, Tourner à tout prix et le nouveau, Short and Queer. Toujours des programmes thématiques, et deux cartes blanches.

Avec ce nouveau calendrier, REGARD souhaite accroître la compétition parallèle en ajoutant un programme de courts métrages autochtones. Actuellement, en développement, le Festival collabore avec Jess Murwin (artiste queer non binaire et programmeuse d’ascendance mixte autochtone Mi’kmaq et colon) en tant que consultante. Le désir de mettre en place ce programme s’organise dès 2023 en invitant Présence autochtone pour une carte blanche, et en créant un espace de travail sécurisant pour un comité collaboratif issu de communautés autochtones et expert.e.s de l’industrie du cinéma. Le but est d’améliorer les relations avec les cinéastes autochtones et créer de nouvelles opportunités dans le secteur des arts et de la culture.

Parlez-nous un peu de votre volet MARCHÉ DU COURT ? 

Justine Valtier — Notre volet Marché du court permet de combler le manque d’opportunités de diffusion pour les cinéastes, leurs œuvres et leur besoin de se professionnaliser. Le Marché du court offre cette année, un espace de formation concernant des questions autour de l’intimité avec la coordination d’intimité offert par INTImedia, mais aussi avec une formation verte. Le Marché permet un échange entre expert.e.s, s’attardant sur des questions sociétales.

Parallèlement, nous souhaitons aussi offrir un espace où l’on parle de création et de cinéma. Cette année, nous avons une conversation avec Francis Leclerc et une classe de maîtres avec Philippe Falardeau et Martin Léon. Nous offrons bien entendu, des moments singuliers aux professionnel.e.s durant le Festival avec des Petits déjeuners, et des activités telles que La P’tit virée du Bureau du cinéma de Saguenay, en partenariat avec l’Association québécoise de la production médiatique (AQPM) et le Bureau du cinéma de Saguenay où nous organisons une activité aux producteur.trice.s, une p’tite virée en autobus de Chicoutimi à Ste-Rose-du-Nord. Une occasion idéale de mieux connaître les atouts de Saguenay en matière d’accueil et de lieux de tournage. Puis nous poursuivons nos fameux maillages de la SODEC, une belle habitude qui perdure! Cette activité en prévision du prochain dépôt au programme d’Aide à la création émergente de la SODEC, sous la thématique du BINGO. 

 

 

Quelles activités ou projections attendez-vous avec le plus d’impatience ? 

Justine Valtier — Je dirais très rapidement la soirée d’ouverture, le mercredi soir pour sa symbolique, mais aussi le volet Marché du court avec les classes de maîtres avec Philippe Falardeau et Martin Léon. J’ai aussi très hâte à la soirée du vendredi à Jonquière avec notre programme: carte blanche à Présence autochtone et 100% régions. Impatiente de découvrir la remise des prix le dimanche, un moment touchant pour les créateurs.trices mais aussi pour l’équipe de REGARD. Cette dernière journée sera ponctuée par une programmation au volet jeunesse riche et singulière avec Les Grandes vues, avec un premier court métrage en formule ciné-concert, trois premières mondiales, suivie d’un Q&A. Puis surtout impatiente et fébrile de rencontrer les partenaires, les futurs partenaires, collaborateurs.trices ainsi que les créateurs.trices et bien évidemment les festivaliers et festivalières.

 

 

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