Une entrevue de Marc Lamothe avec Édouard Albernhe-Tremblay, réalisateur de FARADOR
-
Catégorie(s) : Actualités — Cinéma — culture — entrevue — Festival
Une entrevue de Marc Lamothe avec Édouard Albernhe-Tremblay, réalisateur de FARADOR
FARADOR, présenté en clôture des Rendez-Vous Québec Cinéma, samedi le 4 mars au Cinéma Impérial et les spectateurs sont invités à se présenter en costume médiéval
Distribué par TVA Films, FARADOR prendra l’affiche le 21 avril 2023
Crédit photos : Parallaxes
–
Edouard A. Tremblay, alias « Eddie69 » fait ses débuts avec une équipe de bédéistes et entreprend de collaborer à l’émission PHYLACTÈRE COLA diffusée à la télé-communautaire de Québec. L’émission est vite devenue un collage de sketches fous se mélangeait le désir de créer des univers et des ambiances, des personnages récurrents ainsi que de nombreuses lettres d’amour au cinéma et à la culture populaire. Le projet allait devenir un succès à la télé communautaire dans la ville Québec, tant et si bien que Phylactère Cola a été repris en 2001 à Télé-Québec qui en présentera deux saisons complètes à la télévision.
Par la suite, Edouard A. Tremblay consacrera son temps comme réalisateur/monteur vidéo de publicités pour la boîte de production La Cavalerie Inc. tout en se concentrant sur une production de courts métrages auto produits, majoritairement dans un contexte de défi Kino. De cette période, on retient particulièrement la série de courts métrages TOM ET SES CHUMS. Un épisode de cette série, LA BATAILLE DE FARADOR (Vitesse Lumière 2005) allait connaître un succès viral et s’imposer comme l’un des premiers courts Québécois sur You Tube à obtenir plus d’un million de spectateurs. Comme par hasard, Edouard partage ce record d’écoutes avec Patrick Boivin (Psycho Pat), un autre ancien membre du collectif Phylactère Cola. En 2016, il co-réalise le long-métrage FEUILLES MORTES qui s’illustre sur le circuit des festivals et génère de nombreux visionnements sur diverses plateformes de contenus en ligne.
Edouard A. Tremblay choisit alors de revisiter le monde de FARADOR, mais avec un regard plus mature sur le sujet. Nous avons voulu nous entretenir avec lui alors que la première mondiale de son film FARADOR présenté en clôture aux Rendez-vous Québec Cinéma.
CTVM.info — Revenons d’abord sur les années Phylactère Cola. Un collectif composé de huit amis et leur entourage qui filme tout, à tout prix, avec l’énergie de la vingtaine et l’espoir de vivre éventuellement de son art. Parlez-nous un peu de cette grande école de cinéma et de vie qu’a été Phylactère Cola pour vous ?
Édouard A. Tremblay — Lorsque nous avons commencé le projet Phylactère Cola à la télévision communautaire, il s’agissait au départ d’une émission informative consacrée à la bande dessinée québécoise et à ses artisans. Mais rapidement, nous avons perdu notre animateur qui était aux études et nous nous sommes retrouvés sous la direction de Psychopat (Patrick Boivin) qui devait remplir les émissions comme il le pouvait sans trop savoir comment ça marchait. Aucun d’entre nous n’avait étudié dans le domaine. Mais étant bédéistes à la base, nous étions déjà à l’aise pour raconter des histoires farfelues avec des concepts disjonctés. Phylactère Cola nous a donc permis d’apprendre sur le tas, comme on dit, en faisant un paquet d’erreurs en cours de route, mais en travaillant fort pour contrecarrer notre manque d’expérience, tout en produisant sans arrêt de nombreux sketches avec de plus en plus d’ingéniosité.
Qu’est-ce qui reste en vous de cette époque et en quoi cette expérience a nourri votre métier de réalisateur ?
Édouard A. Tremblay — Ce que Phylactère Cola m’a appris, entre autres, c’est que c’est complètement faux de penser que l’on ne peut pas faire de la science-fiction et du cinéma fantastique au Québec. Il s’agit simplement de faire preuve de débrouillardise et surtout de naviguer habilement dans les limites des budgets restreints. De plus, lorsqu’on mélange le film de genre à de la comédie, comme c’est le cas pour « FARADOR », les gens sont habituellement plus indulgents sur l’ampleur des effets spéciaux.
Votre premier long-métrage, FEUILLES MORTES, a été écrit et réalisé en collaboration avec Steve (Carnior) Landry (ancien membre de Phylactère Cola) et Thierry Bouffard. Parlez-nous un peu de cette expérience tricéphale
Édouard A. Tremblay — Les gars et moi, on voulait à tout prix réaliser notre premier long-métrage. On voyait le temps passer, au gré des refus des divers paliers de financement sur tous nos autres projets personnels et on commençait à se décourager. Un jour, on s’est rencontré les trois et on a décidé de se lancer ensemble, quitte à « loader » nos cartes de crédit. Finalement, on s’est trouvé des producteurs et une petite subvention et on a sauté tête première dans le projet en profitant de nos forces respectives. Carnior à la direction artistique. Thierry à la direction de production et moi à la supervision du scénario commun et du montage.
Pour le film FARADOR, vous vous êtes associé à Daniel (Boo) Boulanger (ex-membre de Phylactère Cola), Eric K. Boulianne et Marc-Antoine Rioux. Bien que FARADOR soit pour vous un sujet personnel issu de votre histoire et de votre expérience, parlez-nous de cette collaboration et de ce désir de vous entourer pour ce projet ?
Édouard A. Tremblay — Un film est, de par sa nature une grande, une collaboration de beaucoup de talents connexes. Pour FARADOR, je voulais m’entourer de scénaristes, avouons-le, meilleurs que moi pour pousser le projet plus loin. Oui, je pense bien me débrouiller en matière d’écriture, mais ces gars-là sont des pros et quand tu fais un film, tu VEUX t’entourer de professionnel(le)s.
Contrairement au court métrage de 2005, le film tourne autour du maître du jeu, Charles, et non de TOM, l’un des joueurs. Croyez-vous que certains amateurs du court pourraient être déçus de ce changement de point de vue ?
Édouard A. Tremblay — En fait, pour préciser, le Tom de la série TOM ET SES CHUMS dont LA BATAILLE DE FARADOR était le septième épisode, n’a pas tout le temps été le point focal de chaque épisode. C’était en gros, les mésaventures d’un fan de STAR WARS qui croise sur son chemin des amis qui avaient tous des trips geek différents. C’est justement ces amis qui rendaient les épisodes intéressants. Je ne pense pas que les fans du court-métrage vont être déçus. Le scénario du long-métrage est plus étoffé et est livré par des comédiens professionnels. Le personnage de Charles ocupe le rôle principal, car le film porte sur l’univers des jeux de rôles. Si le film se développait autour du fandom de STAR WARS, là, ça aurait eu plus de sens que Tom soit le personnage pivot.
Outre revenir 15 ans plus tard avec des personnages qui se sont avérés populaires dans un court-métrage, qu’avez-vous voulu partager comme message avec cette nouvelle aventure ?
Édouard A. Tremblay — Les personnages dans le court-métrage sont ben l’fun sauf qu’ils étaient confinés à un format anecdotique. Pour le long-métrage, nous nous devions de leur donner des vies et des enjeux plus grands. Ça demande des arcs narratifs pour chacun des personnages et comprendre qui ils sont, d’où ils viennent et où ils vont. Farador est oui une comédie au sujet, entre autres, d’une gang de geeks qui font des niaiseries. Mais, c’est aussi un film qui aborde des thèmes plus larges comme l’amitié, l’amour et les limites que l’on s’impose soi-même pour atteindre le bonheur.
La COVID a sûrement ralenti le tournage et enlevé une certaine spontanéité aux acteurs et à l’équipe. Comment avez-vous réussi à contourner ce problème sur le plateau outre revoir le découpage du film en fonction des contraintes sanitaires ?
Édouard A. Tremblay — Étrangement, la COVID n’a pas été un si gros obstacle. Probablement que les producteurs pourraient vous dire le contraire avec toutes les contraintes et les gestions d’horaire. Mais pour moi, qui étais prêt depuis des années, qui avais tellement prévisualisé le film dans ma tête, la difficulté n’était pas trop grande. Les comédien(ne)s étaient hyper bien préparé(e)s. Ils et elles avaient été choisi(e)s en fonction de leur capacité à bien travailler en groupe. Nous avons passé beaucoup de temps à tisser des liens d’amitié entre nous et à parler de leurs personnages avant. Une fois arriver au tournage, tous connaissaient leurs rôles à la perfection. De plus, j’avais une équipe technique de feu et tout le monde était à son meilleur. Quand tu as fait l’école Phylactère Cola, il n’y a pas grand-chose qui peut te faire peur.
Le film est une coproduction Canada-Belgique. Que pouvez-vous nous dire sur ce tournage produit en coproduction?
Édouard A. Tremblay — Pour pouvoir faire le film, il a fallu aller chercher du financement en Europe. Ce qui a été une très bonne chose parce que ça nous a aussi donné la possibilité de tourner quelques scènes là-bas. Ça nous a permis de tourner entre autres dans des châteaux médiévaux que l’on n’a pas au Québec et ainsi donner des décors différents et un feeling spécial à l’univers fantaisiste de FARADOR.
Quelques scènes du film ont été tournées à Lassay-les-Châteaux. Quels souvenirs gardez-vous du tournage de ces scènes ?
Édouard A. Tremblay — Je me souviens de l’équipe technique française sympathique, des températures clémentes, de la bouffe exceptionnelle et surtout, de l’accès facile à des châteaux authentiques de l’époque des chevaliers. Je me souviens de l’image fantastique de Catherine Brunet et Lucien Ratio qui s’entraînent au maniement de l’épée avec un maître d’armes au milieu de vieilles ruines. Et du Maire (Bourg Meister ?) de Lassay qui nous a gracieusement refilé les clés du château. Wow !
Comment avez-vous reçu la nouvelle que votre film était l’événement de clôture des Rendez-Vous Québec Cinéma ?
Édouard A. Tremblay — C’est vraiment fantastique de clôturer un tel festival et je suis très touché de cet honneur. FARADOR est un film grand public qui est propice à la fête et au visionnement entre amis. C’est du pur divertissement et donc parfait pour conclure dans la joie et le rire un festival aussi emblématique pour le cinéma québécois.
En terminant, avez-vous un ou d’autres projets en vue?
Édouard A. Tremblay — S’il y a une ouverture pour la suite de FARADOR, advenant que le film fonctionne bien, je suis évidemment très partant. Mais j’aimerais aussi en profiter pour travailler sur d’autres formes de projet, d’autres styles. Un autre film, une série télé peut-être. Je suis ouvert à travailler avec des scénarios ou des concepts provenant d’autres créateurs, histoire d’élargir mes horizons. J’affectionne particulièrement la comédie, mais j’ai aussi vraiment envie de raconter des histoires sous des visions différentes et de pousser ma réalisation plus loin encore. Bref… J’me cherche de la job. Hahaha!