Une entrevue de Paul Landriau, Directeur de la programmation du FCVQ 2022
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Paul Landriau, Directeur de la programmation de la 11e édition du Festival de cinéma de la Ville de Québec en entrevue avec Marc Lamothe
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« Je souhaite offrir à la Ville de Québec, à court et moyen terme, le festival qu’elle mérite et que le public se l’approprie, se sente invité à la fête. Je souhaite en faire un évènement à la fois accessible et stimulant, excitant et surprenant ! » Paul Landriau
Entrevue
Paul Landriau est le nouveau directeur de la programmation du Festival de Cinéma de la Ville de Québec (FCVQ) qui se déroulera du 8 au 11 septembre dans la Vieille Capitale. Nous avons voulu nous entretenir avec lui pour discuter de son parcours cinématographie et de la programmation qu’il a concoctée pour le festival cet automne.
CTVM.info — Quel a été le premier film québécois d’importance dans votre vie et pourquoi ?
Paul Landriau — Bonne question ! J’imagine que de voir Les ordres de Michel Brault dans le cadre de mes études a été une étape importante. Un film aussi fort politiquement que superbe formellement et qui n’a rien perdu de son impact. Je suis aussi de la génération qui a vu C.R.A.Z.Y. en ayant à peu près le même âge que le personnage interprété par Marc-André Grondin; et ce fut une grande claque, un grand moment de cinéma. Combien de répliques cultes, dont « D’aussi loin que je me rappelle, j’ai toujours détesté Noël !, et que de scènes marquantes dans ce film !
Et triste ironie, Jean-Marc Vallée est mort le soir de Noël…
Paul Landriau — Oui, triste départ. J’ai encore de la misère à y croire.
Votre populaire podcast POINT DE VUES a produit plus de 200 épisodes en l’espace de 8 ans. De ces débuts à l’époque des manifestations étudiantes du printemps érable à 2020, que gardez-vous de cette période ?
Paul Landriau — Que de bons souvenirs ! D’abord envers mes collègues Pascal Plante et Rémi Fréchette, aussi mes meilleurs amis du monde, ainsi que nos nombreux collaborateurs, mais aussi de belles occasions de rencontrer des cinéastes ou des gens importants du milieu. Ce projet m’a aussi permis de me faire un nom, d’avoir une porte d’entrée dans le milieu; n’ayant pas de pratique artistique, a contrario de mes collègues qui mènent chacun une carrière de cinéaste, cela m’a permis de me définir et de partager mes découvertes au public. Je suis toujours extrêmement touché quand quelqu’un me dit qu’il écoutait ou qu’il s’en ennuie, comme c’est virtuel, on a parfois de la difficulté à mesurer l’impact d’un projet de la sorte.
Photo Paul Landriau (c) Myriam Baril-Tessier
À titre de programmateur, est-ce plus difficile de bouder son plaisir étant en aussi un critique de cinéma ? Quelle est la grande différence entre ces deux rôles à vos yeux ?
Paul Landriau — Pour moi, critique ou programmateur (ou encore professeur de cinéma) sont au fond les différentes facettes d’un même joyau, le plaisir de la découverte qui est suivi du plaisir de partager cette découverte. On a parlé du critique de cinéma comme d’un passeur, ou encore comme un trait d’union entre l’œuvre et le public, pour moi c’est aussi le rôle d’un programmateur. Il y a beaucoup plus de similitudes que de différences entre ces rôles. Cependant, pour éviter le conflit d’intérêts, j’ai mis fin à mes activités de critiques. Les lecteurs d’un critique de cinéma doivent avoir confiance en lui et s’assurer qu’il n’essaie pas juste de vendre des billets. Il y a tellement d’œuvres accessibles de nos jours dans tellement de réseaux (circuit des salles, cinémathèques, plateformes de contenu, locations, achat de Blu-ray, etc.) que le critique ou le programmateur permet de pointer du doigt les œuvres que cette personne juge importantes. Une différence majeure par contre c’est que le critique en théorie réfléchit à une œuvre à la fois et devrait réagir au film sans considération externe. Un programmateur doit penser à la totalité de l’évènement et réfléchir à l’équilibre des choses, au dialogue que les œuvres peuvent avoir entre elles. Soudainement, tel cycle se forme sur tel thème et cela a tout à coup du sens, ou alors tel court métrage avant tel long métrage permet de créer une séance excitante : des considérations qui n’intéressent pas a priori le critique.
Maintenant que vous êtes père, croyez-vous que cette responsabilité a eu un impact sur le critique et le programmateur ?
Paul Landriau — Être père est la plus belle chose au monde ! C’est certainement un défi au niveau du sommeil et des heures de travail, mais ça vaut la peine de faire un peu de gymnastique mentale. Peut-être que mon appréciation de l’expérience cinéma, ma gratitude d’avoir du temps pour visionner une œuvre est encore plus grande qu’avant. Je me rappellerai toujours que le dernier film vu au cinéma, avec ma femme et mon ami, avant la naissance de notre fille, fût The Green Knight de David Lowery. Un absolu délice pour moi, une torture intello pour mon ami et un souvenir vague pour ma femme ! Un jour, je pourrai le redécouvrir avec ma fille, mais pas tout de suite.
Photo The Green Knight
Quel réalisateur avez-vous hâte de présenter à votre fille lorsqu’elle aura l’âge d’apprécier sérieusement le cinéma ?
Paul Landriau — Enfant, ce seront les films des studios Ghibli, certainement. Plus tard, je vais tenter de ne pas imposer mes goûts et de lui mettre trop de pression pour qu’elle apprécie les films que je chéris, je craindrais que cela la rebute ! Mais si elle démontre un intérêt pour les westerns de Sergio Leone, les films d’action de George Miller, les romances de Wong Kar-wai ou les casse-têtes de David Lynch, je serai prêt ! (Rires)
Vous vous êtes joints récemment au Festival de cinéma de la ville de Québec (FCVQ). Vous succédez à des directeurs de la programmation conmme Olivier Bilodeau et Laura Rohard. Vous voyez-vous dans la continuité de ceux-ci ou désirez-vous vous démarquer en amenant la programmation dans une autre direction ?
Paul Landriau — D’une part, suite à l’annulation du FCVQ en 2021, il y a eu une réflexion du conseil d’administration et du nouveau directeur général Martin Genois visant à repositionner la ligne éditoriale du festival, qui se voulait moins une démarcation nette qu’un léger ajustement. D’autre part, avant de rejoindre l’équipe, j’étais un spectateur assidu et je connais bien plusieurs des membres des éditions précédentes. Le dialogue est là et j’ai beaucoup d’admiration pour tout ce qui a été bâti au FCVQ dans ses 10 premières années. On oublie parfois que le festival est si jeune, tellement il est bien établi, ce qui est certainement attribuable au beau travail des équipes passées. Mon travail de programmation se veut donc une prolongation du travail amorcé, en effectuant un ajustement progressif au courant des prochaines années.
Photos Olivier Bilodeau et Laura Rohard
À titre de directeur de la programmation, quelles sont vos visées et quels sont vos objectifs à court et moyen termes pour le FCVQ ?
Paul Landriau — Pour 2022, nous proposons un festival condensé sur quatre jours qui est exclusivement consacré au cinéma québécois. C’était le geste qui nous semblait naturel à faire après notre annulation en 2021. Nous voulons être là pour l’industrie locale, c’est le cœur de notre raison d’être. Nous souhaitons revenir à une formule internationale en 2023 et proposer au public des œuvres rarement diffusées sur grand écran.
À court et moyen terme, je souhaite offrir à Québec le festival qu’elle mérite et que le public se l’approprie, se sente invité à la fête. Je souhaite un évènement à la fois accessible et stimulant, excitant et surprenant ! À long terme, j’aimerais que le FCVQ devienne le « Festival d’été de Québec » pour le cinéma, rien de moins ! Que son ambition et sa portée dépassent les murs de la Capitale.
Votre programmation se divise en trois grands axes :
• La section « ÉCLATÉ », présentée à la prestigieuse salle de spectacle Impérial Bell,
• la section « ÉTOILE », présentée à la salle Le Diamant de Robert Lepage, et
• la section « ILLUMINATION », présentée à la salle de projection du Musée de la civilisation et au Circuit Beaumont.
Parlez-nous un peu de ce qui distingue chacune de celles-ci ?
Paul Landriau — On réserve le volet Étoile pour nos plus grands noms, nos grandes premières mondiales présentées en présence des équipes de films avec un Tapis Rouge. C’est là, par exemple, qu’on va pouvoir découvrir Niagara de Guillaume Lambert ou Snow Angel de Gabriel Allard.
Dans la section Éclaté, on s’amuse ! Nos projections les plus champ gauche s’y retrouvent, les séances sont présentées en mode cabaret avec tables et possibilité de boire un verre. C’est aussi là qu’on place les comédies ou les films d’horreur. On y retrouve notamment le duel Kino Québec vs Kino Montréal ou encore la première mondiale du show Les mashups vidéosoniques de DJ XL5, un genre de relecture de l’histoire de la pop culture et du cinéma en mode party.
Pour Illumination, on y découvre des longs métrages audacieux et des séances de courts métrages regroupés en thématiques. C’est la section pour les cinéphiles et les spectateurs curieux. J’ai particulièrement hâte de voir la réaction face au court métrage expérimental earthearthearth présenté en 35 mm. J’ai aussi hâte que le public puisse voir les courts restaurés de Denis Côté.
Photo earthearthearth de Daïchi Saïto
Vous ouvrez la 11e édition du FCVQ avec NIAGARA, deuxième long métrage de Guillaume Lambert et clôturez le festival avec SNOW ANGEL premier long de Gabriel Allard ? Parlez-nous un peu de ces choix ?
Paul Landriau — Niagara est rapidement devenu un choix évident pour nous. C’est une comédie dramatique intelligente et émouvante qui nous fait découvrir François Pérusse d’une autre façon et qui se double aussi d’une lettre d’amour au Québec, car il s’agit au fond d’un road trip. Le film s’ouvre avec une scène hilarante sur le petit pont en face de la chute Montmorency ! Commencer la tournée du film à Québec a donc beaucoup de sens autant pour nous que pour l’équipe du film. Cette deuxième réalisation de Guillaume Lambert possède cette énergie et cette fougue que je tente d’insuffler au festival en général.
Pour Snow Angel, c’est vraiment une belle surprise, un film un peu sorti de nulle part (il a été tourné de manière indépendante en Gaspésie, grâce notamment à une campagne de sociofinancement) dans un genre qu’on voit très peu au Québec, le thriller psychologique avec une touche de surréalisme. On se rapproche des univers d’Amenábar ou de M. Night Shyamalan. J’avais le film dans mon radar depuis longtemps et j’ai été surpris du résultat final. Je pense que le film va faire jaser, qu’il va marquer les esprits. Catherine Bérubé joue le rôle principal et elle offre une performance titanesque.
Photo Niagara
Parlez-nous un peu de vos attentes de la rencontre avec l’auteure, metteure en scène et actrice Marie Brassard ?
Paul Landriau — Marie Brassard est une femme inspirante au parcours foisonnant. Il y aurait de nombreuses façons d’aborder cette rencontre, mais dans le cadre du FCVQ on va parler de son parcours au cinéma et des différentes rencontres professionnelles qu’elle a faites avec certains de nos plus grands cinéastes. Elle a quand même tourné avec Philippe Falardeau, Ryan McKenna, Denis Côté, Sophie Deraspe, Monia Chokri, Mathew Rankin, Érik Canuel et bien sûr Robert Lepage, parmi d’autres ! Une filmographie fascinante auquel s’ajoutera prochainement Viking de Stéphane Lafleur qui va prendre l’affiche en septembre et Promenades nocturnes de Ryan McKenna qui devrait sortir en 2023. Très très hâte de l’entendre nous parler de tout ça et on en profite pour présenter trois de ses meilleurs films au FCVQ.
Photo Marie Brassard
Vous avez programmé un événement nommé Duel Kinö Québec vs Kino Montréal. Tentez-vous ainsi de raviver la rivalité Québec vs Montréal ?
Paul Landriau — Ha ha ! Pour ceux qui ne le savent pas, je suis né et j’ai grandi à Québec et les environs. J’ai déménagé à Montréal pour mes études universitaires, car à l’époque il n’y avait pas de baccalauréat en cinéma, chose maintenant rectifiée avec l’arrivée du programme de l’Université Laval qui accueille sa première cohorte ces jours-ci ! Je connais donc les deux côtés de la 20.
Tout ça pour dire que c’est fait de bonne foi et que l’idée est vraiment de rendre hommage aux deux plus vieilles communautés de ce mouvement maintenant planétaire. C’était donc un prétexte pour que les équipes se rencontrent, le réseautage professionnel étant l’un de nos objectifs au festival. Comme pour un match de lutte ou de la LNI, on « joue le jeu » et on s’affronte sans broncher ! On a d’ailleurs lancé un appel de films de 2 minutes sous le thème « Québec – Montréal » et on va présenter les films reçus lors de cet évènement.
Photo Duel Kino
Quels films ou événements avez-vous le plus hâte de partager avec le public de Québec ?
Paul Landriau — Tous ceux dont on vient de parler certainement, mais aussi plusieurs excellents courts métrages. C’est bien sûr toujours incroyable de présenter les œuvres des artistes locaux, donc on peut s’attendre à une très cool séance pour La guerre nuptiale de Maxime Desruisseaux qui sera précédé du dernier film de danse d’Alan Lake, Parades. J’ai très hâte aussi que les gens découvrent ou redécouvrent le cinéma expérimental et poétique de la touche-à-tout Anne-Marie Bouchard, également de Québec, dans le programme Mésoscopique. En fait, j’ai hâte à toutes les séances, ha ha !
Affiche La guerre nuptiale
En terminant, quel grand réalisateur international vivant souhaiteriez-vous inviter à Québec dans vos rêves les plus fous ?
Paul Landriau — David Lynch me vient immédiatement en tête. On croise les doigts !
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Le Festival de cinéma de la ville de Québec se tient du jeudi 8 au dimanche 11 septembre 2022 à Québec : https://fcvq.ca/
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