Entrevue de Marc Lamothe avec le réalisateur Francis Leclerc qui sera présent au Festival Regard 2023

Entrevue du réalisateur Francis Leclerc

C’est vendredi le 24 mars 2023 à compter de 13 h à la Bibliothèque du Cégep de Chicoutimi que le public pourra assister à un entretien entre Francis Leclerc et Manon Dumais dans le cadre du festival Regard

Une occasion unique de revenir sur le récent succès du long métrage LE PLONGEUR mais aussi sur un parcourt inspirant sur plus de 30 ans! Tout public, entrée gratuite.

Une entrevue de Marc Lamothe pour CTVM.info

Quel a été le premier film québécois qui vous as marqué comme cinéphile?

Je dirais probablement ENTRE LA MER ET L’EAU DOUCE (1967) de Michel Brault. D’une part, j’ai vu un Québec que je n’avais jamais vu ainsi montré à l’écran. J’ai été marqué profondément par les personnages principaux. À la même époque, je consommais beaucoup de courts-métrages de l’Office national du film. J’étais fou de la CinéRobothèque de l’ONF à Montréal. Entre 17 et 19 ans, j’adorais  cet endroit car il faut comprendre qu’avant Internet, ce lieu était une des seules portes d’entrée pour accéder à la production de l’ONF.

À vos débuts, vous réalisez quelques vidéoclip, notamment pour Kevin Parent (Tom WELCH, JEUNE VIEUX GARÇON, TU POURRAS DIRE, FRÉQUENTER L’OUBLI, MAUDITE JALOUSIE et le classique SEIGNEUR). Quel souvenir gardez-vous de ces premiers tournages et qu’y avez-vous appris sur votre métier?

Je fais partie de la génération vidéoclip. C’était à la même époque où les André Turpin, Alain Desrochers, Denis Villeneuve, on était tous dans la même boite (SOMA). C’était dans ma jeune vingtaine, j’en ai fait pendant quatre ans. Ça réellement été mon école de cinéma car je n’ai qu’une mineur en cinéma à Laval mais j’ai appris à manipuler les caméras 16 et le 35 mm. Mon apprentissage s’est construit au contact de Steve Asselin et de Sébastien Allard qui étaient directeurs photos. D’ailleurs j’ai retrouvé l’esprit des tournage de vidéoclips en tournant LE PLONGEUR

 

Vos premières réalisations compte un certain nombre de courts, dont BIENTÔT NOVEMBRE (1995) L’ANGLE MORT D’UNE HIRONDELLE (1996) LE VENT DANS LE DOS (1996), TOKYO MAIGO (1997) et TROTTEUR (2011). Parlez-nous un peu de vos expériences avec ce média?

En gros, mes courts-métrages, je réalisais en parallèle de mes contrats de vidéoclip, donc les deux médias pour moi sont interreliés. J’ai dû tourner 40 vidéoclips et j’ai œuvré sur une bonne quarantaine de courts. Je produisais moi-même mes courts, dès que je réussissais à accumuler 500 ou 1000 $, je l’investissait dans un court métrage. Certains de ces courts ont beaucoup voyagé et ça m’a permis de connaître l’industrie et de me servir de tremplin vers le long métrage. À la même époque, je devais regarder au moins 10 longs métrages par semaine. J’ai mangé du cinéma toute ma vie. J’en mange encore beaucoup…

 

Si l’histoire ne devait retenir qu’un seul de tes courts, lequel choisirais-tu?

Définitivement TROTTEUR (2011). Ce film sortait de nulle part, tourné après mes trois premiers longs. J’étais alors dans une période où je tournais beaucoup de télé. Étrangement, c’est ce court qui m’a redonné le goût de tourner à nouveau vers le long métrage. Il m’a redonné le goût de raconter des histoires! Sur le plan technique, je suis très fier et de mes films, c’est sûrement celui qui a le plus voyagé (environ 80 festivals). TROTTEUR est non seulement mon court le plus abouti mais c’est après avoir tourné celui-ci que j’ai entamé la production de LES PIEDS DANS L’AUBE que j’allais tourner quelques années plus tard.

 

 

Vos sujets semblent très différents d’un film à l’autre, du drame historique (UNE JEUNE FILLE À LA FENÊTRE), l’amnésie (MÉMOIRES AFFECTIVES), la comédie nostalgique  (UN ÉTÉ SANS POINT NI COUP SÛR), la docufiction (PIEDS NUS DANS L’AUBE), le conte fantastique (L’ARRACHEUSE DE TEMPS) et l’adaptation d’un roman à succès (LE PLONGEUR). Quel est le fil conducteur dans votre œuvre au cinéma?

Bonne question, je suis heureux que tu l’aies remarqué. À priori, je dirais que je suis tenté de plonger dans des projets différents, des genres différents. J’aime beaucoup les cinéastes qui réalisent des films foncièrement différents les uns des autres. Un de mes favoris en ce sens est Stanley Kubrick. 2001 L’ODYSÉE DE L’ESPACE et ORANGE MÉCANIQUE n’ont pas grand-chose en commun. J’aime beaucoup Jean-Jacques Annaud aussi où L’OURS est difficilement comparable au film AU NOM DE LA ROSE ou  LA GUERRE DU FEU. Coppola, Scorsese, Lumet, ce sont souvent mes références. Je n’ai pas le gout de faire le même film deux fois. Chaque film a son style. 

 

Si je peux me permettre, au-delà la rigueur esthétique qui le caractérise, pour moi un des liens commun chez Kubrick est qu’il filme souvent l’homme face à lui-même, face à l’espace, face à l’histoire, face à l’éternité… 

Intéressant! C’est un peu ce que j’ai réalisé aussi à force de donner des classes de maitre dans les universités. Tous mes personnages de longs métrages sont seuls à l’écran, ils occupent toute la place, ils sont présents dans chaque plan, toujours à l’écran.  MÉMOIRE AFFECTIVE, c’est Roy Dupuis, UN ÉTÉ SANS POINT NI COUP SÛR, c’est Pierre-Luc Funk, L’ARRACHEUSE DE TEMPS, c’est  Jade Charbonneau et de même avec LE PLONGEUR, c’est Henri Richer-Picard. Disons que je ne suis pas très ‘film chorale’, je suis plutôt du genre à choisir un personnage, peu importe l’âge, et m’y intéresser intensément et de le suivre…  J’aime suivre des personnages uniques.

Est-ce que cette adaptation du roman de Stéphane Larue fut complexe à porter à l’écran? Quels étaient les grands défis d’amener cette histoire dans un autre média?

Comme LE PLONGEUR n’est pas ma première adaptation à l’écran, je savais déjà dans quoi je m’embarquais. C’est un gros roman, certes, mais il y a tellement de références, de scènes et de moments clés  que je savais quoi extirper pour en faire un bon film. Puis pour le scène à scène et les dialogues, je suis allé chercher Érik . Il m’a beaucoup aidé à trouver les fils conducteurs de l’histoire. C’est un processus très agréable. J’ai autant de plaisir et de faciliter à travailler avec Érik que j’en ai eu à travailler avec Fred Pellerin.  Sur ce projet, j’ai fait aussi une belle rencontre avec Stéphane Larue, l’auteur du livre qui nous avait donné carte blanche pour l’adaptation. Il nous permettait de scinder des personnages et changer des scènes. Il nous avait dit « prenez le livre pour ce qu’il est mais faites une histoire que vous lisez». On s’est vite mis d’accord sur ce qui ne devait absolument pas changer. Je pense à l’époque du livre, la restauration, le death métal, le gars de 19 ans au Cégep. À partir de là, on pouvait cibler nos priorités, ce qu’on voulait.  Stéphane restait notre premier référant et notre premier lecteur. Faire du cinéma, c’est une affaire de gang, je suis un gars de gang, j’aime m’entourer de gens qui ont l’esprit ouvert. 

 

 

Est-ce que les récents contacts avec le public, les journalistes et la critique vous ont-ils amené à changer le regard que vous portiez sur le film?  

Je me considère comme très chanceux car pas mal tous mes films ont été relativement bien accueillis tant par la critique que le public, mais je ne te le cacherai pas, c’est toujours stressant de laisser aller quelque chose sur lequel tu travailles depuis quatre ans. Je reçois tellement de beaux messages depuis la sortie du PLONGEUR et ceux qui l’aiment, l’aiment vraiment beaucoup! Pour moi, la grande satisfaction avec ce film est que j’ai réussi enfin à parler aux jeunes dans la vingtaine, chose qui ne m’était pas arrivé depuis UN ÉTÉ SANS POINT NI COUP SÛR. C’était important pour moi car mes enfants sont dans cette tranche d’âge et j’ai tourné ce film un peu pour eux, ou en pensant à eux. 

Quels sont les leçons que vous tirez de la production et du tournage de ce film?

Le long métrage est réellement ce que je préfère faire. Se concentrer sur une ouvre de deux heures durant quatre ans, c’est au final plus inspirant et significatif que la télévision ou la publicité.  À la télé, c’est dix mois de ta vie pour un dix heures de contenu. Le degré d’implication est plus fort dans le long métrage. Ceci dit, j’ai eu de très belles expériences télévisées, par exemple avec LES BEAUX MALAISES, on a eu le chemin libre pour développer un langage pour cette série avec lequel on s’est vraiment amusé. J’aime à croire que j’ai réussi à faire de la télévision significative et pas simplement formaté. La grande différence est que je fais de la télé pour les gens mais du cinéma plus pour moi. 

Quels sont les principaux messages que vous souhaitez communiquer au public présent lors de cette discussion animée par Manon Dumais?

Ces rencontres-là, je les aimes beaucoup mais ne les prépare pas. Je reste à l’écoute du public et de l’animatrice. Je pose donc des questions pour comprendre qui est là et j’adapte mes présentations selon les auditoires. À REGARD, je m’attends à un jeune public dans la vingtaine mais aussi des gens de l’industrie qui est seront de tous âges. J’aime beaucoup Manon Dumais et j’ai confiance en elle pour guider la discussion. Il n’y a pas de grand message à passer, mais simplement si je suis en mesure d’encourager et d’inspirer quelques personnes présentes, ça aura été pertinent. 

 

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