Entrevue avec le réalisateur Pascal Plante dont le film LES CHAMBRES ROUGES sort en salles au Québec ce vendredi 11 août 2023

Entrevue avec le réalisateur Pascal Plante dont le film LES CHAMBRES ROUGES  sort en salles au Québec ce vendredi 11 août 2023

L’entrevue a été effectuée au début août 2023 par Marc Lamothe 

 Le troisième long métrage de Pascal Plante, LES CHAMBRES ROUGES, ouvrait la 27e édition du festival Fantasia et remportait récemment les honneurs avec quatre prix dont Le Cheval Noir du Meilleur long métrage, meilleur scénario (Pascal Pilote), meilleure performance (Juliette Gariepy) et meilleure bande sonore (Dominique Plante).

Le film a aussi récemment été vendu en France, en Belgique et en Suisse avant même sa sortie en salle ce vendredi 11 août au Québec.

 Nous avons voulu nous entretenir avec Pascal Plante pour recueillir ses impressions des dernières semaines.

 

CTVM.info — Vous venez de présenter votre film LES CHAMBRES ROUGES à FANTASIA en première Nord-Américaine? Comment avez-vous vécu cette expérience à guichet sur fermé?

Pascal Plante — On ne pouvait pas rêver mieux comme première nord-américaine que l’ouverture de Fantasia! Le festival jouit d’une super réputation, notamment aux États-Unis et en Asie. C’est un grand honneur. Ayant moi-même fait mes classes de cinéma à Concordia, ça avait une dimension particulièrement spéciale de présenter mon nouveau film dans le Hall. Et on a su que les billets se sont écoulés en moins d’une heure, donc ça fait chaud au cœur de voir un tel engouement pour le film.

CTVM.info — Voyez-vous une différence entre la réaction générée à Karlovy Vary et celle de Fantasia?

Pascal Plante — À Karlovy-Vary, la réaction était géniale, mais la foule était peut-être un peu plus dans leur tête que dans leur émotion brute. À Fantasia, c’est tout le contraire: les gens riaient dès qu’une occasion se présentait, et lorsque le film s’aventure dans des zones inconfortables, les gens gigotaient sur leur siège, se mettaient une main au visage, ou laissaient poindre des p’tits « oh my god! » chuchotés. Les deux expériences furent magnifiques, mais Fantasia c’est vraiment comme un show rock!

CTVM.info — Étais-ce étrange pour vous d’ouvrir un film québécois en Europe, loin des vôtres?

Pascal Plante — C’est plutôt un honneur que de pouvoir voyager et accompagner le film afin de tâter le pouls de la réaction outre-mer! Plusieurs films trouvent leur écho en dehors de leur pays d’origine. Moi-même, je consomme du cinéma d’un peu partout dans le monde; c’est un voyage essentiel pour comprendre l’autre et affûter son empathie.

CTVM.info — Est-ce que ce film représente pour vous une carte de visite internationale?

Pascal Plante — Si c’est le cas, alors c’est le résultat-surprise d’une démarche personnelle et intègre. Je ne fais pas des films clientélistes pour les festivals et pour l’international; j’embrasse pleinement ma québécitude, et je fais les films que le cinéphile en moi aimerait voir, point. Cela dit, je suis très heureux que le film résonne bien au-delà des frontières québécoises!

CTVM.info — Tes trois longs métrages mettent en vedette des femmes fortes avec un bagage de convictions. Est-ce plus facile pour vous d’écrire pour des personnages féminins? Est-ce que tes personnages te ressemblent?

Pascal Plante — Au sujet des femmes complexes, eh bien, je suis entouré de femmes complexes dans ma vie, alors c’est ce que je connais, je n’ai pas de mérite! Que les protagonistes de mes films soient souvent des femmes… j’avoue que ce n’est pas nécessairement un effort conscient. Chaque film a ses raisons propres pour s’intéresser à une réalité féminine. Dans Nadia, c’était parce que les femmes athlètes étaient extrêmement sous-représentés à l’écran et qu’elles vivent une pression plus grande que les hommes – donc le drame à explorer y est plus riche. Dans Les chambres rouges, c’est notamment parce que, statistiquement, ce sont des femmes qui sont attirés par les tueurs en série qui par ailleurs, sont souvent des hommes.

 

CTVM.info — Le film met en scène des visions opposées de Kelly-Anne et de Clémentine. Laquelle de ces deux visions est plus proche de toi et quel était ton objectif en opposant ces deux visions d’un même personnage?

Pascal Plante — Le phénomène social des « groupies » de tueur en série est un phénomène répandu et extrêmement complexe. Ces femmes ont plusieurs visages. Il m’importait d’avoir au minimum deux personnages – avec des profils très distincts – pour témoigner d’au moins deux cas de figure. Si j’en avais fait un documentaire à vocation informative, il y aurait probablement une douzaine de personnages! Et… je me plais à penser qu’aucune des deux soit proche de moi. J’ai peut-être le p’tit côté perfectionniste de Kelly-Anne, mais je ne pense pas pour autant frôler la sociopathie!

 

CTVM.info — Parlez-nous un peu de votre manière de fonctionner avec votre productrice? Est-elle impliquée dans le choix des sujets et le développement du scénario? Pourriez-vous nous nommer une scène ou le travail de Dominique Dussault a su faire la différence sur le tournage?

Pascal Plante — Dominique est à la genèse du projet, et nos conversations sur les « groupies » de tueur en série remontent à plusieurs années déjà. C’est une alliée et une partenaire créative essentielle. En tant que productrice, elle reconnaît les moments où le film doit être ambitieux. Par exemple devant un défi budgétaire, au lieu de couper égal un peu partout, nous trouvons ensemble le meilleur compromis qui ne heurtera pas la « production value » du film. Parfois, il vaut mieux ne pas tourner une scène plutôt qu’en affaiblir une autre plus importante! Par ailleurs, sur le plateau, Dominique est la meilleure liaison avec les lieux de tournage. C’est grâce à son approche humaine et professionnelle – et sa grande préparation – que nous avons pu tourner au palais de justice, et dans la tour à condo… deux lieux extrêmement complexes, que d’autres producteurs auraient éviter comme la peste!

 

 

CTVM.info — Vous référez souvent à ce film comme le plus mathématique que vous ayez réalisé. Pourriez-vous revenir un peu sur cette idée?

Pascal Plante — L’esthétique du film se colle à la psychologie et à la subjectivité de Kelly-Anne, qui est elle-même très cartésienne et analytique. Il fallait donc chorégraphier le film avec une minutie chirurgicale pour entrer dans sa tête. Cela dit, lorsque sa psychologie s’effrite, le film prend un malin plaisir à déraper, mais cette dérape est également extrêmement calculée. Mis à part la scène de squash entre Kelly-Anne et Clémentine, il n’y a pas eu d’improvisation dans ce film… ce qui est extrêmement rare, dans mon cas.

CTVM.info — Après un film intimiste sur un amour de jeunes adultes et une œuvre sportive qui renvoyait à ta propre expérience de nageur, pourquoi avoir changé de registres soudainement? Quelle était l’idée de base à l’origine de ce scénario?

Pascal Plante — Chaque film est une bulle, et j’y plonge tête première jusqu’à en devenir un quasi-expert, et puis, une fois l’œuvre terminée, je ferme le livre et j’attaque une autre bulle. Je n’envisage jamais de suites à mes films. Et je ne ferai pas un deuxième film sur la natation, par exemple; ce film a été fait, et j’ai dit ce que j’avais à dire. Ça me stimule de jongler avec les sujets, avec les genres. Les chambres rouges est peut-être le reflet de ce que j’ai consommé durant la pandémie… beaucoup de thrillers, de films d’horreur et de «true crime»!

 

CTVM.info — Est-ce qu’il y a un livre qui souhaiteriez adapter ou un film dont vous aimeriez faire un remake?

Pascal Plante — Oh, je pense que le film soviétique VIY, de 1967, sur un prêtre qui passe trois nuits dans une église hantée à combattre une sorcière, serait génial à refaire dans le contexte religieux québécois d’antan! Et ce n’est pas un livre… mais la comédie musicale Starmania devrait vraiment avoir un traitement cinématographique. En 2029, ce sera son 50e anniversaire. En tout cas… je lance ça dans l’univers !

CTVM.info — Si vous pouviez adapter un livre québécois, quel serait-il?

Pascal Plante — Impossible à adapter, mais TÉNÈBRE de Paul Kawczak pourrait faire un excellent film. Mais je ne suis pas du tout outillé pour m’y frotter.

CTVM.info — Avez-vous déjà une idée de votre prochain projet au cinéma?

Pascal Plante — Dominique Dussault et moi avons co-scénarisé un film sur la traversée maudite du premier contingent de Filles du Roy, en 1663. Si les planètes s’alignent, ce serait probablement mon prochain projet.

Très honnêtement, je ne pense jamais aux prix, ou à tout le moins, je ne prends jamais rien pour acquis. Puisque j’étais en avion, dans un vol Montréal-Japon, j’ai seulement appris la nouvelle des quatre distinctions de Fantasia à retardement, mais heureusement que Dominique Dussault et Juliette Gariépy étaient présentes pour accepter les récompenses. Et quelles récompenses ! Quelle vague d’amour ! Je suis particulièrement fier du prix d’interprétation remis à Juliette – elle qui porte le film sur ses épaules – et du prix remis à mon frère Dominique Plante pour sa (première!) musique de film. À moins de deux semaines de notre sortie en salle, c’est une synchronisation inespérée, un sceau de prestige qui va sans doute piquer la curiosité des cinéphiles qui, on l’espère, viendront en grand nombre pour découvrir le film lorsqu’il sera lancé sur nos écrans.

 

 

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